FESTIVAL DE CANNES 2022 – Film d’ouverture présenté en hors-compétition, Coupez ! est tiré du véritable phénomène de société qu’a été Ne coupez pas ! au Japon. Un bouleversement dans un système de distribution que l’on savait verrouillé et frileux. Du film étudiant au statut culte, il est devenu un exemple qui a donné tort au cynisme et raison à l’art dans sa forme la plus pure. Alors que de ce film fauché, lettre d’amour au cinéma de la débrouille dans ce qu’il a de plus beau, soit tiré un remake, cela pouvait décontenancer. D’autant plus quand il est porté par une équipe française, un Hazanavicius déjà confirmé et un casting professionnel bien installé. Mais peut-être était-ce nous les cyniques ici, car Hazanavicius n’est pas renommé pour dénaturer les œuvres dont il s’empare et sa version, Coupez !, en est la plus belle des démonstrations.
Un tournage de film de zombies dans un bâtiment désaffecté. Entre techniciens blasés et acteurs pas vraiment concernés, seul le réalisateur semble investi de l’énergie nécessaire pour donner vie à un énième film d’horreur à petit budget. L’irruption d’authentiques morts-vivants va perturber le tournage…
Évoquer la construction de Coupez ! sans ébrécher la surprise de son scénario n’est pas l’exercice le plus aisé, mais les fidèles de l’original risquent d’être déçus par le travail d’adaptation qui choisi volontairement un second degré marqué dans le premier acte du film, là où son confrère japonais était beaucoup plus subtile et avare en indications pour la suite. Un choix justifié par une volonté comique évidente beaucoup plus marquée, et qui s’avère lourde par instant. Loin d’être anodin, cela permet malgré tout à Hazanavicius de construire de vrais personnages de cinéma et d’en introduire des nouveaux comme un compositeur de musique de film désopilant interprété par Jean-Pascal Zadi.
Rémi au bal du diable
En grande partie tourné à l’épaule, le film n’est pas traversé par de grandes fulgurances à la réalisation mais l’ensemble fonctionne à travers un pastiche réussi des plus mauvais films étudiants. Compliqué, donc, de ne pas revenir constamment au film original tant sa conception et son existence infusent dans le long-métrage, jusqu’à pousser ce curseur en assumant complètement son statut de remake au sein de la narration. Un choix, qui en plus d’être respectueux, crée de véritables moments de comédie avec le retour de certains membres originaux et un nouvel arc sur l’opposition des cultures.
Car si le film d’Hazanavicius fonctionne, c’est grâce à son équipe dévouée qui, malgré l’absence du côté amateur et débrouillard, se livre corps et âme dans des rôles qui libèrent leurs pires expériences de tournages. On pense évidemment à Romain Duris, mais c’est Finnegan Oldfield et Bérénice Bejo qui volent la vedette et injectent un rythme réjouissant à ce film de zombies qui tirent évidemment plus vers la comédie que l’horreur.
D’un remake d’un film de genre japonais en plan-séquence au milieu de zombies, Hazanavicius tire une expérience tendre qui ne manquera pas de toucher celles et ceux qui, un jour, ont entrepris avec un succès plus ou moins relatifs de porter leur voix à travers un projet artistique. Certes, le long-métrage perd en sincérité quand il pastiche le manque de budget, mais par sa vision pleine de délicatesse Hazanavicius nous surprend et nous emporte avec un profond respect et de vraies idées. Coupez ! est un voyage qui sera familier aux fans de l’original tout en proposant un point de vue qui, s’il n’est pas révolutionnaire, à le mérite d’essayer de proposer quelque chose de frais dans le cercle très fermé de la comédie française.