Critique de Don’t Look Up

Un film de
Adam McKay
Sortie
24 décembre 2021
Diffusion
Netflix

Précédé par son incroyable casting et la réputation de son auteur, Don’t Look Up : Déni cosmique représente un enjeu de taille pour Netflix, aussi bien comme succès public que dans la course aux Oscars. Et en cette période inondée de films de Noël qui sentent bon les retrouvailles et la solidarité, le positionnement pas si innocent de la plateforme donne une toute autre portée à la satire d’Adam McKay.

Réalisateur prolifique de comédies « à l’américaine », Adam McKay a connu un tournant dans sa carrière avec The Big Short : le Casse du siècle, qui lui a valu l’Oscar du meilleur scénario adapté. Un essai plus dramatique transformé trois ans plus tard avec Vice. Ce tournant lui a valu son heure de gloire auprès d’un public plus intellectuel, mais surtout prétentieux, alors même que celles et ceux suivant son travail depuis ses débuts connaissent son appétence pour la comédie comme arme satirique. Ce n’est donc pas étonnant de le voir s’attaquer frontalement au réchauffement climatique avec un tel casting : Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Cate Blanchett, Mark Rylance, Timothée Chalamet, Jonah Hill

Deux piètres astronomes entreprennent une tournée médiatique pour prévenir l’humanité qu’une comète fonce sur la Terre. Mais cela n’a pas l’air d’inquiéter grand monde.

Satire à balles réelles

La satire dans le cinéma américain a très souvent orbité autour du sujet militaire, pour dénoncer l’impérialisme ou plus globalement un sentiment de toute puissance propre aux États-Unis. Impossible de ne pas penser au Docteur Folamour de Stanley Kubrick dans ce qui est décrit de plus tragi-comique ici. Pourtant, à l’inverse d’un Starship Troopers, le long-métrage d’Adam McKay choisi un angle plus didactique, et forcément plus lisse dans son propos. Car le film souffre d’une construction en deux parties bien distinctes : sa première, qui se rapproche plus de la farce que d’une véritable prise de position, se moque gentiment du système médiatique et de la défiance envers les scientifiques dans un film très américanocentré. Le tout appuyé par une parodie féminine de l’ère Trumpiste. Pas des plus pertinente ni subtile, cette longue introduction à l’avantage d’identifier les différentes forces en présence qui prendront leur importance dans une deuxième partie beaucoup plus perspicace dans son propos sur le capitalisme galopant. Sans en divulguer les tenants et aboutissants, le film joue de son statut en prenant à contre-pied une partie des attentes : un des éléments caractéristiques des satires réussies, qui ne sont pas là pour satisfaire des exigences hypocrites d’un milieu qui l’est tout autant.

© Niko Tavernise / Netflix

L’enfer c’est les autres

La force du cinéma d’Adam McKay réside dans sa conviction à traiter la comédie avec importance et soucis du détail. Comme c’était déjà le cas dans ses précédents longs-métrages, tout l’aspect technique est ici soigné comme un drame. Un investissement qui lui permet de recruter Linus Sandgren sur le film, oscarisé pour sa photographie de La La Land. Son expertise permet à Don’t Look Up de véritables moments de bravoure visuelle, et extrait le film de son simple statut de « réunion de stars ». Une réunion qui permet malgré tout de beaux moments comiques mais qui porte surtout ses fruits grâce à la douceur qui émane de la résilience qui traverse le film dans ses instants clés. Une douceur tragique qui prend son envol dans une scène finale qui aurait sûrement gagné en retenue ce qu’elle perd en post-générique.

Malgré tout, il reste un sentiment étrange à regarder les acteurs et les actrices les mieux payés au monde se moquer de la politique de l’autruche, de celles et ceux qui ne prennent jamais parti dans le jeu politiquement correct du « ni de droite, ni de gauche ». Un point d’orgue atteint quand le film se moque frontalement de Hollywood avec un caméo d’une hypocrisie folle et qui nous pousse fondamentalement à nous interroger sur l’intention de certains. Car s’il est clair que le film d’Adam McKay tire à boulets rouges sur un système brisé à sa base, il ne faudrait pas qu’il en devienne l’étendard d’une prise de conscience de façade.

Don’t Look Up : Déni cosmique joue avec nos attentes pour offrir une satire pertinente mais limitée dans son portrait économique et politique du réchauffement climatique. Son casting exemplaire semble sonner le glas d’un basculement sans retour, comme si cette extraordinaire réunion était la dernière. Le profond amour du genre par Adam McKay irradie le film, que cela soit à travers une réalisation particulièrement léchée, une photographie sublimée par le travail de Linus Sandgren en Dolby Vision ou encore la très belle composition de Nicholas Britell. Malgré tout, le film se heurte à ses propres limites : de son américanocentrisme assumé à une certaine hypocrisie latente, Don’t Look Up préfère le confort d’un ton doux-amer au brûlot, comme l’était un Punishment Park dans son temps.

3.5

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