FESTIVAL DE CANNES 2023 – Plus de quarante ans après avoir fait retentir son fouet pour la première fois, Indiana Jones, le plus populaire des aventuriers, profite d’un voyage sur la croisette pour prendre sa retraite. Un cinquième opus tiraillé entre chant du cygne et nouveau souffle qui marque également la mise en retrait de Steven Spielberg, détaché de la réalisation pour confier les rênes à James Mangold. Convoquant l’héritage d’un personnage aussi emblématique que l’acteur qui l’incarne, les adieux de Le Cadran de la Destinée n’annoncent pas la fin de la franchise pour autant.
1969. Après avoir passé plus de dix ans à enseigner au Hunter College de New York, l’estimé docteur Jones, professeur d’archéologie, est sur le point de prendre sa retraite et de couler des jours paisibles. Tout bascule après la visite surprise de sa filleule Helena Shaw, qui est à la recherche d’un artefact rare que son père a confié à Indy des années auparavant : le fameux cadran d’Archimède, une relique qui aurait le pouvoir de localiser les fissures temporelles. En arnaqueuse accomplie, Helena vole l’objet et quitte précipitamment le pays afin de le vendre au plus offrant. Indy n’a d’autre choix que de se lancer à sa poursuite. Il ressort son fedora et son blouson de cuir pour une dernière virée…
Do svidaniya, Dr. Jones
Dix ans après le rachat de la licence par Disney, Indiana Jones 5 est enfin une réalité. Une gestation compliquée qui intrigue autant qu’elle inquiète car le quatrième film, le Royaume du crâne de cristal, est loin d’avoir fait l’unanimité ; Tout comme les récents adieux d’un autre personnage tout aussi culte de George Lucas : Han Solo.
Plus qu’une simple comparaison aguicheuse, les destins croisés d’Indy et de Solo forment un curieux miroir, déformé par les promesses et les attentes de communautés de plus en plus revendicatives. Car si le talent d’Harrison Ford n’est plus à prouver, ses performances dépendent grandement de son implication, Le Réveil de la Force en est témoin. De ce point de vue Indiana Jones et le Cadran de la Destinée surpasse les attentes, grâce à la volonté héroïque et crépusculaire de Ford qui transforme un récit hybride en adieux doux et mélancoliques.
Ré-écrit plusieurs fois, le scénario final de James Mangold tire profit du classicisme de ses scénaristes, Jez et John-Henry Butterworth, déjà à l’œuvre sur Le Mans 66. Marqué par de véritables moments de bravoure – une scène d’interrogatoire suspendu, une folle fuite en cheval – l’ensemble en reste maladroitement indécis, écrasé sous sa volonté de clôturer l’arc d’Indiana Jones tout en élégance mais sans radicalité. Alternant aussi bien temporalités que paysages, Mangold enchaîne alors les courses poursuites dans des décors interchangeables. Il convoque à un plus d’un moment Le Secret de La Licorne et l’héritage plus qu’assumé d’un Spielberg toujours indissociable de la saga, avec ses duo improbables et ses enfants des rues.
Après une première heure menée tambour battant autour de l’introduction de nouveaux personnages prometteurs, le film cherche en vain à singer la magie des débuts. Évidemment, Phoebe Waller-Bridge est exaltante et Mads Mikkelsen toujours efficace, mais leurs trajectoires dramatiques s’essoufflent rapidement, retenues par une frilosité très probablement entretenue par la crainte de voir ressurgir les fantômes du quatrième volet. Mais c’est pourtant dans le dernier acte, quand le film embrasse à nouveau ce fantastique qui fait le sel de la saga, qu’il prend son envol. Le spectaculaire ressurgit alors, l’émotion nous submerge et Harrison Ford joue avec nos attentes et nous touche en plein coeur avec son Indy en pleine introspection.
Avec Indiana Jones et la Cadran de la destinée, James Mangold n’a plus rien à prouver. Il a su capter l’essence même de la saga avec une aisance quasi agaçante. Mais malheureusement, tiraillé de toutes parts entre la fin d’un personnage, de son arc, d’une ère et les fondations d’un nouveau monde, il n’arrive pas à synchroniser spectaculaire et émotion comme Spielberg avant lui. Mais, dans de rares instants de flottements presque hors du temps, il arrive à faire germer avec l’aide d’un Harrison Ford plus généreux que jamais, de sublimes moments de cinéma. Des moments où l’immortalité populaire d’un si grand héros s’efface pour réveler l’humanité en lui. Un dernier voyage pour celui qui les a tous fait, mais qui nous invite à continuer son aventure sans frontières et visages (à l’unique condition d’avoir une tête à chapeau).