Critique de Les Linceuls

© Pyramide Distribution
Un film de
David Cronenberg
Sortie
25 septembre 2024
Diffusion
Cinéma

FESTIVAL DE CANNES 2024 Habitué de la compétition et source d’inspiration pour une nouvelle génération de réalisateurs et réalisatrices de genre (Julia Ducournau en tête), David Cronenberg présente son nouveau long-métrage deux ans après Les Crimes du Futur, qui avait divisé les critiques. Cette nouvelle proposition mêle un récit intime sur le deuil du cinéaste canadien et une nouvelle plongée au cœur de ses thématiques de prédilection.

Karsh, 50 ans, est un homme d’affaires renommé. Inconsolable depuis le décès de son épouse, il invente un système révolutionnaire et controversé, GraveTech, qui permet aux vivants de se connecter à leurs chers disparus dans leurs linceuls. Une nuit, plusieurs tombes, dont celle de sa femme, sont vandalisées. Karsh se met en quête des coupables.

David Cronenberg est reconnu pour son profond intérêt à la technologie pour ce qu’elle reflète de l’Homme dans une démarche anthropologique, plutôt qu’un élément voué à le sauver ou causer sa perte comme l’ont fait la plupart de ses contemporains. Les Linceuls en tire sa principale qualité : la technologie n’est pas le sujet du long-métrage mais un support pleinement intégré à la narration, qu’il s’agisse des linceuls connectés qui ont enrichi Karsh (interprété par un Vincent Cassel fidèle à lui-même) et donnent de la substance à son obsession, ou l’environnement ultra connecté dans lequel il évolue. Ainsi, la technologie est introduite tout à fait naturellement. Un point qui ne compense pas les maladresses de l’écriture de Cronenberg, également au scénario de cette œuvre cathartique. En particulier, les dialogues, qui cherchent constamment à élever le récit par une écriture qui est des moins naturelles, voire explicative à outrance, sans atteindre la prétention de Les Crimes du Futur.

L’art et la manière

La thématique du complot, entremêlée avec celle du deuil, est particulièrement pertinente dans une époque marquée par une pandémie et l’augmentation de la défiance vis-à-vis de la médecine traditionnelle. Tout en restant une proposition fortement intimiste, Les Linceuls est un conte macabre dont la portée symbolique perdurera plus facilement que d’autres long-métrages traitant de la question de manière plus frontale. Mais, à titre de contraste profond, l’objectification des personnages féminins est déjà dépassée. Si la thématique des corps est chère à Cronenberg et ici vaisseau du deuil et de ses réalités inavouables, l’écriture des personnages féminins tourne autour du désespoir qui les jette dans les bras du héros. Renforcée par une écriture bancale, elle dérange. Si des éléments peuvent s’expliquer par l’histoire personnelle du cinéaste, notamment l’obsession de Karsh pour le sein gauche de sa femme alors que c’est un cancer du sein qui a emporté la femme du réalisateur, il est dommage de nécessiter la biographie d’un cinéaste pour compenser les impairs d’un long-métrage. Comme le reconnaît Cronenberg lui-même, il n’est pas possible d’avoir une prise sur la réception d’un film par les spectateurs.

Fable personnelle aux thématiques riches, Les Linceuls n’est pas à la hauteur de ses ambitions en raison d’une écriture faible. Si Cronenberg garde un regard moderne et pertinent sur le rapport de l’Homme à la technologie et au monde dans une quête de sens désespérée, la narration est fastidieuse et laisse ses acteurs faire ce qu’ils peuvent pour donner une substance au long-métrage.

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