Critique de Marché Noir

Un film de
Abbas Amini
Sortie
5 janvier 2022
Diffusion
Cinéma

Le cinéma du moyen et proche-orient regorge toujours de surprises. Que ce soit avec de grands films ou des productions plus modestes, il en demeure une source toujours intéressante et dépaysante pour le public occidental. Souvent engagé politiquement, il permet également un regard artistique loin des stéréotypes sur des cultures que nous connaissons très peu.

Après le très remarqué La Loi de Téhéran de Saeed Roustayi en 2021, le cinéma iranien revient en force sur les écrans français dès ce début d’année. Troisième film du réalisateur Abbas Amini, Marché Noir s’attaque à la crise économique et sociale en Iran via un traffic pour le moins original.

Expulsé de France, Amir retourne vivre chez sa famille en Iran. Par solidarité avec son père, il se retrouve impliqué dans un crime et va devoir fréquenter le traffic de devises étrangères au marché noir. Mais la culpabilité le ronge…

Pour une poignée de dollars

Une des premières choses qui frappe lors du visionnage de Marché Noir est la singularité du traffic opéré dans le film. Il n’est pas question de drogue, d’armes ou bien d’êtres humains mais de devises monétaires. D’ailleurs, Abbas Amini parvient à magnifiquement bien filmer ces séquences remplies de tension, où de simples réunions clandestines se transforment en réelles séances de trading. Il en ressort bon nombre de séquences où le spectateur est volontairement perdu dans un capharnaüm de délibérations sur le cours du dollar. Un microcosme dans lequel évolue une masse informe d’individus désespérés, prêts à tout pour survivre.

Même si le spectateur peine à comprendre tous les rouages de ce traffic de monnaie, la mise en scène est suffisamment efficace pour lui en faire comprendre toute l’importance et la dangerosité. Car c’est là la principale force du long-métrage : en alternant climat suffoquant et instants proche du réel, le réalisateur iranien insuffle à son film un mélange des genres très appréciable. On passe ainsi du thriller au documentaire sans pour autant noyer le récit dans des incohérences stylistiques.

© L’Atelier Distribution

Le sang des bêtes

Cette froideur documentaire peut rappeler par instants Le Sang des bêtes de Franju où le bétail de Vaugirard a été remplacé par de pauvres outils d’un système cruel. L’achat de devises apparait donc comme la seule option possible pour faire reculer l’échéance fatale. Finalement les hommes finissent comme les moutons de leurs abattoirs : en transit vers une mort certaine… Amirhossein Fathi surnage d’autant plus que la concurrence est rude, et pour un premier rôle il parvient à maintenir le cap dicté par ses compagnons de jeu avec une facilité déconcertante. Face à lui, le très expérimenté Hasan Pourshirazi fonctionne comme un mentor pris au piège pour former un binôme unique et très efficace.

Marché Noir est une réussite par bien des aspects. Thématiquement il parvient à dresser un tableau méconnu de la société Iranienne tout en mêlant les genres avec brio. L’intelligence de sa mise en scène aide à la découverte d’un univers complexe et inaccessible en temps normal . Rempli de non-dits et de tensions scénaristiques, le film de Abbas Amini a en lui tous les éléments pour devenir un classique du polar Iranien.

4

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