Bienvenue au Vidéo Club de la Butte

Bon, voilà! », telle est la devise de la chaîne YouTube Tales From The Click. Derrière ces deux mots qui sont devenus un vrai leitmotiv se cachent moult vidéos dédiées au 7ème art. Dans son format Videostore, Jean-Baptiste Toussaint invite son audience à pénétrer dans un lieu sacré, plein de conseils et d’anecdotes. À l’heure où les plateformes se multiplient, entraînant le support physique vers une fin annoncée depuis bien longtemps, les vidéoclubs s’apparentent à des temples maya, des lieux mystiques appartenant au passé, où des cinéphiles archéologues tentent quelques excursions. L’actualité renforce d’ailleurs cette impression avec la fermeture tragique de Videosphere, véritable institution du Quartier latin.

Malgré une chute croissante depuis un bon nombre d’années, il reste encore quelques survivants au sein de l’hexagone. Parmi eux, situé au pied du Sacré-Cœur et à deux pas des rues pavés de Montmartre, se trouve le Vidéo Club de la Butte.

Une réelle mine d’or

Voilà maintenant 17 ans que Christophe a repris cette enseigne pour entretenir un catalogue titanesque. Dans des alcôves aux odeurs de vieux livres, le vidéoclub propose à ses visiteurs un nombre hallucinant de titres. Pas moins de 15 000 films se sont accumulés d’années en années, aux horizons divers et variés. De Takashi Miike à Pacific Rim, la ligne éditoriale ne connait aucune limite et propose un large panel pour tout cinéphile curieux.

Les amoureux du support physique prendront donc un plaisir fou à s’enivrer d’innombrables jaquettes, classées par pays ou par genre. Cinéastes américains, russes, japonais, espagnols, italiens, hongrois, allemands ou encore brésiliens sont proposés avec, pour la plupart, plusieurs titres de leur filmographie. Il s’agit là du principal atout par rapport aux plateformes qui ne possèdent pas toujours les œuvres complètes des auteurs de leurs catalogues, et se targuent de chiffres dont le défilement d’une page internet ne permet pas de prendre conscience. Déambuler dans les allées offre un tout autre rapport à l’objet filmique et au choix.

Vie, passion et partage

Outre l’immensité du catalogue proposé, un vidéoclub est un lieu de vie et d’échange. Des inconnus se croisent, se regardent, discutent de films déjà loués ou qui vont l’être. Une réelle convivialité s’apparentant à celle d’une salle de cinéma, où l’on peut discuter du film que l’on vient de voir. Sans diaboliser les plateformes, il est nécessaire de rappeler l’aspect social apporté par un lieu comme celui-ci. En se déplaçant au vidéoclub, tout comme au cinéma, on va vers le film et non l’inverse. On prend le temps d’être conseillé par un spécialiste qui connait nos goûts, on visionne le film, puis on en rediscute avec lui avant d’en louer un autre. Cette expérience là, cet échange de passionné, ne sera malheureusement disponible nulle part ailleurs.

Ici l’intelligence n’est pas artificielle. Pas besoin d’un algorithme pour trouver un bon film…

Christophe, gérant du vidéoclub

La transmission comme solution

Comme tous les commerces de quartier, la survie d’un vidéoclub ne tient qu’à un fil. La proximité avec sa clientèle permet une complicité et des conseils personnalisés mais en complique également l’expansion. Fût un temps où les clients affluaient, jusqu’à l’avènement du téléchargement illégal et la démocratisation du dématérialisé. Actuellement, seuls les plus fidèles amènent avec eux leurs enfants pour leur inculquer l’importance d’endroits comme celui-ci. C’est par cette transmission générationnelle que se jouera la survie des vidéoclubs, des cinémas et du support physique. À la manière des actions « école, collégiens et lycéens au cinéma », il faut habituer les nouvelles générations à ces pratiques. Non pas dans une confrontation face au progrès mais bien dans une cohabitation sereine et durable. Une réification sociale qu’il faut arriver à endiguer pour maintenir le contact humain entre passionnés.

Les fermetures successives d’institutions artistiques et étudiantes (quatre magasins Gibert Jeune, le vidéoclub Vidéosphère, etc…) tirent la sonnette d’alarme du support physique, dont la crise sanitaire a accéléré la démise. Peu à peu, certaines de ces boutiques où l’on passait des heures à chiner mettent la clef sous la porte et vident les quartiers de leur âme. Sans aides du CNC ou du ministère de la Culture, la survie de ces mines d’or devient de plus en plus compliquée, mais il n’est pas trop tard ! Entre deux sorties Netflix ou Prime Video, un petit détour pour acheter ou louer un film apportera une petite pierre à l’un des derniers remparts de ce pan de la cinéphilie. Une barricade dont on souhaite l’expansion pour éviter de voir ces hauts lieux transformés en espaces vides et poussiéreux, aux façades décrépies par le temps et l’abandon.

Derrière la simple curiosité qu’apportent les formats de Tales From The Click ou le Video Club Konbini se cache de réelles cavernes d’Ali Baba, qui ne demandent qu’à être explorées. Elles permettent non seulement d’élargir notre culture, mais également d’échanger avec de vrais passionnés. Aucun jugement de goût : des conseils personnalisés et des découvertes dépaysantes sont au rendez-vous dans cette alternative aux plateformes VOD et SVOD. Le but n’est pas de diaboliser ces nouveaux acteurs, bien au contraire. Il s’agit plus d’une invitation à découvrir d’autres habitudes de visionnages et de découvertes. Savoir qu’il existe d’autres moyens de regarder des films en sortant de chez soi. Car en des temps aussi compliqués pour la culture, échanger autour d’un film malgré la fermeture des salles est bien plus qu’un luxe, c’est une nécessité.

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