Après plusieurs années de lutte pour porter son manga préféré au grand écran, James Cameron parvient enfin à adapter Gunnm (銃夢, Ganmu),le grand classique manga seinen de Yukito Kishiro. À la fois très attendu et redouté, l’objectif était de proposer une adaptation digne pour un public meurtri des précédentes adaptations hollywoodiennes d’œuvres cultes du pays du soleil levant.
Alita : Battle Angel, réalisé non pas par James Cameron (producteur cette fois-ci), mais par Robert Rodriguez (réalisateur de Sin City et Desperado) est avant tout un film post apocalyptique et cyberpunk qui devrait nourrir l’intérêt des fans de science-fiction, bien mal traités depuis quelques années.
Lorsqu’Alita se réveille sans aucun souvenir de qui elle est, dans un futur qu’elle ne reconnaît pas, elle est accueillie par Ido, un médecin qui comprend que derrière ce corps de cyborg abandonné, se cache une jeune femme au passé extraordinaire. Ce n’est que lorsque les forces dangereuses et corrompues qui gèrent la ville d’Iron City se lancent à sa poursuite qu’Alita découvre la clé de son passé – elle a des capacités de combat uniques, que ceux qui détiennent le pouvoir veulent absolument maîtriser. Si elle réussit à leur échapper, elle pourrait sauver ses amis, sa famille, et le monde qu’elle a appris à aimer.
Le champion des champions
Alita : Battle Angel est visuellement remarquable. Le film réussit un tour de force en nous présentant des scènes d’actions et des combats remarquablement bien chorégraphiés. On remarque par la même occasion que James Cameron n’a pas délaissé certaines planches marquantes du manga. Plusieurs scènes sont directement reprises du crayon de Yukito Kishiro et c’est plutôt plaisant.
L’enjeu principal du film était la création de son personnage principal entièrement en images de synthèses grâce à la technologie de la « performance capture ». Alita est tout à fait rayonnante. Elle est aussi émotive et expressive que vous et moi, voire plus. Rosa Salazar incarne parfaitement le personnage, son langage corporel montre à quel point se cacher derrière un masque numérique n’empêche pas la réussite d’un personnage.
Le motorball, sport iconique de l’univers de Gunnm se devait d’être impressionnant. Vu les bandes-annonces, James Cameron misait énormément sur ces moments pour montrer tous les talents de Robert Rodriguez à la réalisation. On ne peut qu’applaudir ce spectacle visuellement impressionnant. Nous nous retrouvons au cœur de l’action qui va dans tous les sens et est parfois difficile à suivre, mais c’est un peu ça le motorball. Bien que les scènes soient réussies, l’implication du spectateur manque cruellement pendant la course. Dans le manga, le spectateur est transporté en vue subjective dans ce torrent de vitesse aux lames aiguisées. Nous sommes Alita. Tandis qu’ici, le film se contente de nous présenter l’action de manière plus classique. Gunnm est sans cesse en train d’en rajouter, de surenchérir dans le sensationnel et plusieurs fois dans le film, on se sent en retrait, comme si ça ne valait pas la peine d’aller aussi loin, ou comme s’ils ne pouvaient pas se permettre d’aller aussi loin.
Désillusions
Alita : Battle Angel est un projet trop ambitieux pour Hollywood, cela se sent. James Cameron est un grand fan et l’on ressent sa volonté de nous présenter sa vision de Gunnm, la vision d’un fan passionné. Cependant, Hollywood, en Grand Méchant Loup, n’a pas su s’empêcher de lui mettre des bâtons dans les roues. Alita au cinéma, c’est un projet qui date. Depuis 2003, Cameron tente de mettre à bien son projet. Quand le film est entré dans sa véritable pré-production, une réduction du script initial, vieux d’une dizaine d’années, a été demandée. En effet, le projet de Gunnm au grand écran était long et ambitieux. On ne peut pas permettre à tout blockbuster de dépasser la barre des 3H, les enjeux sont bien trop importants surtout pour un film qui coûte aussi cher. Nous nous retrouvons donc avec un film plus court mais avec bien trop d’éléments à l’intérieur. Le film survole donc beaucoup de choses et ne développe pas assez ses personnages secondaires.
Alita se devait également d’être grand public, ne laissant donc pas la noirceur du manga l’emporter. Il fallait plaire au plus grand nombre. Le contenu trash, violent et pessimiste de Gunnm n’a pas pu être porté au grand écran. Nous nous retrouvons face à une Alita pleine de joie, remplie d’optimisme dans un monde qui l’est tout autant. Iron City et ses alentours sont bien trop accueillants, il y fait bon vivre, les enfants sortent dans les rues et mangent du chocolat. À la base, cette ville poubelle qu’est Kuzutetsu ne transpire que saleté, violence et dépression. Ce n’est pas si grave, mais cela reste à noter.
L’Éveil du cœur
Le film sera très certainement bien accueilli par quelqu’un qui ne connait rien du monde original de Gunnm. En même temps, il est principalement pensé pour. Mais les fans de longue date ne peuvent s’empêcher d’être déçu du traitement de certains personnages comme Makkaku (Grewishka dans le film) et Yugo. Makkaku perd toute sa profondeur et son passé tragique tandis que Yugo ne se limite plus qu’à un seul rôle, celui du « boyfriend » parfait. Même les personnages spécialement inventés pour le film manquent de développement.
Mon amour pour le manga a grandi et je suis persuadé que nombreux d’entres-vous, qui découvrez l’univers avec ce film, seront frustrés de ne pas connaitre de fin, ou de suite. Je vous encourage alors vivement de vous procurer les 9 volumes de Gunnm en manga.
Alita : Battle Angel nous narre l’histoire d’un cyborg féminin fort et puissant : voir de plus en plus de personnages féminins dominer les écrans ne peut être qu’une bonne chose. Même s’il a été pensé pour avoir une suite, le film est réalisé avec passion et nous sommes bien loin des précédentes tentatives désastreuses d’adaptations mangas au grand écran. Nous tenons enfin une adaptation non parfaite, mais ambitieuse à Hollywood, et rien que pour cet exploit, il devrait être soutenu.