Critique de Annette

Un film de
Leos Carax
Sortie
7 juillet 2021
Diffusion
Cinéma

FESTIVAL DE CANNES 2021 – Film d’ouverture, Annette marque le retour de Leos Carax après Holy Motors en 2012, également en compétition officielle à l’époque. Mélange de comédie noire et de musichall à la Broadway, le film est basé sur un scénario et des compositions originales du groupe Sparks.

Los Angeles, de nos jours. Henry est un comédien de stand-up à l’humour féroce. Ann, une cantatrice de renommée internationale. Ensemble, sous le feu des projecteurs, ils forment un couple épanoui et glamour. La naissance de leur premier enfant, Annette, une fillette mystérieuse au destin exceptionnel, va bouleverser leur vie.

Leos Carax débute son film avec sa présence et celle du groupe Sparks dans un studio d’enregistrement aux côtés de sa propre fille, à qui le film rend hommage. C’est une scène d’ouverture similaire à celle d’Holy Motors qui débute par une mise en abîme devant un public endormi. C’est là sa marque de fabrique : Leos Carax aime faire des clins d’œil a ses précédents films : les scènes de virées sur la moto de Henry avec Ann que l’on retrouve dans Mauvais Sang, les scènes de chatouilles jusqu’au long travelling de début faisant penser à l’excellente scène d’accordéon dans l’église de Holy Motors… Et puis il y a le vert qui caractérise l’univers d’Henry, un rôle qui aurait étrangement collé à l’acteur fétiche de Carax, Denis Lavant. C’est ce même vert qu’il attribue à ses personnages monstrueux et torturés, à l’image de la tenue de Monsieur Merde

La belle et la bête

Faire un film de 2h20 entièrement chanté n’est pas un exercice facile. Après un essai dans Holy Motors avec la sublime Kylie Minogue, le réalisateur fait maintenant chanter ses acteurs quitte à risquer la fausse note. Un choix périlleux mais assumé dans sa recherche d’humanité. La voix est parfois hésitante, mais elle caractérise les personnages : la faiblesse d’Henry, la force intérieure de Ann, la puissance et le chagrin d’Annette. Belle et la Bête des temps modernes, Henry et Ann forment le couple typique de stars américaines, mis en scène avec humour dans les différentes étapes de leurs vie par des séquences kitschs de tabloïds. Carax joue beaucoup des codes du théâtre avec une palette de couleurs qui caractérise l’univers des personnages et les lieux de vie où ils s’entrechoquent. Il s’en sert comme sous texte iconographique avec un esthétisme déroutant. Ces cadres et les fameux plans-séquences si chers au réalisateur apportent une autre dimension émotionnelles aux scènes.

Il est difficile de définir de manière arrêtée de quoi traite exactement le film. C’est en fait la grande question sur toute sa filmographie. Néanmoins, fort de sujets d’actualité, le long-métrage renvoie à #MeToo sur les violences faites aux femmes et l’exploitation des enfants stars à l’image d’Annette, grande star malgré elle. Une Annette qui, dans un premier temps, intrigue par son apparence et sa discrétion qui prennent tout leurs sens au fil du film. En omettant volontairement le développement de cette enfant, nous ne suivons pas son éducation mais sa vie laissée à l’abandon. Des thèmes en poupées russes abordés à travers ces personnages aux caractères imparfaits.

Avec ce film poétique axé sur la musique, Leos Carax affirme son style et nous livre un hommage bouleversant à travers une magnifique collaboration avec les Sparks. On peut trouver le casting étonnant, en particulier l’absence de Denis Lavant, mais Carax émerveille dans un ballet d’émotions, sans peur du ridicule ou de l’imperfection. Comme son auteur, Annette divisera, mais il signe un retour triomphant et une fin à couper le souffle. En plus d’aller voir le film sans plus attendre, il est impératif de rester jusqu’à la fin du générique. So, may we start ?

4.5

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