Critique d’Avengers : Infinity War

Un film de
Joe Russo, Anthony Russo
Sortie
25 avril 2018
Diffusion
Cinéma

Qu’on en soit amateur ou non, on doit reconnaître que le Marvel Cinematic Universe occupe une place de choix dans la pop culture de ces 10 dernières années. Il y a eu des hauts et pas mal de bas, mais jamais on n’avait vu de projet d’univers partagé aussi conséquent, passionnant et aussi habilement orchestré dans son ensemble. En 10 ans, 23 films ont préparé ce moment : la sortie de Avengers  3 : Infinity War, l’arrivée du terrible Thanos (introduit dans le premier Avengers il y a 6 ans), et la convergence de tous les héros contre le rassemblement des Gemmes de l’Infini.

Le spectacle se doit d’être grandiose, les enjeux sont grands mais surtout les craintes des fans se font entendre. Le MCU a, avec le temps, été de plus en plus critiqué pour son manque de prise de risque, de style et de véritables enjeux. Des recettes, notamment comiques, qui ne font plus l’unanimité et des personnages nombreux, inégalement développés et populaires ; les matériaux dont Avengers : Infinity War, réalisé par les frères Russo (Captain America : Civil War), dispose pour accomplir sa mission sont incertains.  Qu’en est-il du résultat ?

Les Avengers et leurs alliés devront être prêts à tout sacrifier pour neutraliser le redoutable Thanos avant que son attaque éclair ne conduise à la destruction complète de l’univers.

Réjouissez vous…

Avengers : Infinity War a la lourde tache de rassembler une quantité incroyable d’héros, et notamment de faire coexister pour la première fois les Avengers et les Gardiens de la Galaxie. Le film tire clairement, sur ce point là, une grande qualité d’un apparent défaut. Éparpillant ses (trop) nombreux personnages, multipliant les intrigues et navigant rapidement entre elles, le film s’en sort avec un excellent rythme. Les arcs sont multiples et se développent tous parallèlement, dans une structure classique qui tend organiquement vers un affrontement final très attendu, mais  sans longueur ni perte de rythme. C’est aussi avec plaisir qu’on voit ces personnages qu’on apprécie se rencontrer et développer, pour certains, des dynamiques efficaces et amusantes.

Mais ce genre d’écriture a aussi ses lacunes. De par la multitude des intrigues et des personnages, le film est faible en développements et expéditif en exposition. Ceux qui n’ont suivi les différentes sagas du MCU qu’en dilettante ces 10 dernières années seront, clairement, perdus. De plus, multipliant les sous-intrigues, le film se prive de développements conséquents et bien construits. Si certaines lignes narratives sont très intéressantes et traitées avec beaucoup d’attention, comme celle de Thanos, qui éclipse tous les héros, d’autres ne tiennent que par une bonne dynamique entre des personnages (Thor et Rocket). Et d’autres, enfin, apparaissent expéditives, traitées rapidement et mécaniquement, comme pour simplement cocher une case dans le cahier des charges.

L’écriture du film n’est pas non plus aidée par les dialogues qui sont soit en quête d’un lyrisme shakespearien qu’ils ne saisissent jamais, soit s’embourbent, comme souvent dans les films Marvel, dans une comédie hors sujet (particulièrement ici, dans un film plus morbide que jamais), cherchant désespérément la réplique qui fait mouche avec une efficacité discutable. Quelques scènes vraiment drôles s’appuyant sur les personnages les plus comiques font relativiser cet échec mais globalement les frères Russo semblent utiliser la comédie comme une béquille qui les dispense d’assumer la noirceur et la démesure des enjeux du films. Cette formule récurrente du MCU est ici regrettable et plombe vraiment certains instants dramatiques ou épiques.

…car vous voilà secourus… 

Mais on échappe au désastre grâce aux irréprochables performances des acteurs et actrices chevronnés. Pour n’en citer que quelques-uns : Robert Downey Jr maîtrise toujours son Tony Stark à la perfection, Zoé Saldana (Gamora) fait l’étalage d’une justesse et d’une force assez impressionnantes et, même si on regrette le peu d’espace qui lui est donnée dans le film, Chris Evans explore une noirceur inédite et bienvenue dans son personnage de Captain America. La palme revient tout de même à Josh Brolin et son personnage, Thanos, qui vole la vedette à tout le monde. C’est un personnage intéressant avec une moralité et une personnalité complexes, engagé dans une quête militante aux aspects de voyage spirituel. Son cheminement est intelligent, puissant et étrangement poétique et Josh Brolin l’interprète à merveille. Ce personnage, gigantesque, immensément puissant et au visage marqué, a une présence très particulière et chacune de ses apparition est réalisée avec un soin particulier. Thanos est un grand méchant, officieusement le protagoniste du film et une vraie réussite.

Ce qu’on était en mesure d’attendre d’Infinity War, avec son équipe dantesque et ses enjeux démesurés, c’était au moins un grand spectacle épique visuellement époustouflant et chargé en drame. Cette part du marché est-elle remplie ? Plus ou moins. Les frères Russo semblent avoir une maîtrise très inégale de la réalisation. Il apparaît que les séquences dans l’espace ou dans des vaisseaux spatiaux sont au moins bien éclairées et visuellement intéressantes alors que les séquences sur Terre sont bien moins inspirées, plus plates et chargées en fonds verts douteux. Globalement la réalisation manque de virtuosité et la qualité visuelle vient de l’excellence des design tant des personnages que des décors. Si les réalisateurs tentent de diversifier la palette de couleurs, ils n’arrivent qu’à livrer un film incohérent et inégal visuellement où le splendide fréquente de bien trop près le minable.

… Par Thanos, le grand titan !

On fait le même constat pour les effets spéciaux et les scènes d’actions, tout aussi inégalement convaincants. Les créatures de l’Ordre Noir de Thanos (sous-exploités dans la narration d’ailleurs) semblent ne pas vraiment être là, ou alors sortir d’un jeu vidéo daté. Les scènes d’action manquent globalement de lisibilité mais ne sont pas franchement catastrophiques. Les déferlements de puissance et de destruction sont plaisants, mais le traditionnel grand affrontement face à une horde de laquais manque de lisibilité et ne passionne plus grand monde, d’autant que les réalisateurs échouent à y insuffler un véritable sens de l’épique et du grandiose. Ils brillent bien plus quand il s’agit d’insister sur les moments dramatiques, dotant occasionnellement le film d’une véritable noirceur tragique, aidés par une bande originale tout à fait respectable.

Avengers : Infinity War est globalement un succès. Mais c’est un succès en demi-teinte. Plus que jamais, le Marvel Cinematic Universe montre ses limites : un hermétisme aux non initiés, de la comédie hors-sujet, des structures narratives éprouvées, une recherche visuelle inégale et une réalisation à l’identité faible. Mais en étant bien rythmé, porté par un bel antagoniste, riche en action, avec des emphases dramatiques efficaces, des fulgurances de mise en scène et un bon lot de surprises, le film comble pas mal des attentes et ne déçoit finalement pas vraiment. Les frères Russo ont su exploiter notre affection pour les héros Marvel et faire de cet univers surchargé et divergent une véritable richesse. Enfin, le coup d’éclat du film donne espoir aux fans, pour un MCU plus audacieux, imprévisible et tragique. Si cette conclusion marque bien son coup, il nous faut juste espérer que Marvel saura l’assumer par la suite et ne pas détruire son effet. 

Plus que la conclusion d’un acte, Infinity War est une promesse, nous ne somme pas sûrs que Disney sache la tenir mais nous l’espérons du plus profond de nos cœurs de fans. 

3.5

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