Critique de Boîte noire

Un film de
Yann Gozlan
Sortie
8 septembre 2021
Diffusion
Cinéma

Quand la vérité semble nous échapper et que notre instinct s’éveille, plus rien ne nous arrête dans notre quête. Et notre curiosité peut nous mener à notre propre perte. « Quand personne ne nous croit”, c’est le titre que l’ont lit entre les lignes de Boîte noire. Itinéraire contrarié de Mathieu Vasseur, un jeune enquêteur spécialisé en crash aéronautique dont le long-métrage de Yann Gozlan dresse le portrait, mais également de ces victimes d’un statut, d’une étiquette ou d’un caractère qui échappe et dont le monde entier se sert pour placer obstacles et ambitions débordantes.

Le protagoniste, un analyste doté d’une ouïe plus affinée que ses coéquipiers, se retrouve à la tête d’un crash dont les causes, inconnues et complexes, l’emporte dans un Rise and Fall où convictions et sensibilité causeront sa perte. De ce postulat, à la croisée de Conversation secrète et de Le Chant du loup, Yann Gozlan convainc alors de prendre part à cette énigme avec Pierre Niney en tête d’affiche, persuadé que la vérité est ailleurs. 

Que s’est-il passé à bord du vol Dubaï-Paris avant son crash dans le massif alpin ? Technicien au BEA, autorité responsable des enquêtes de sécurité dans l’aviation civile, Mathieu Vasseur est propulsé enquêteur en chef sur une catastrophe aérienne sans précédent. Erreur de pilotage ? Défaillance technique ? Acte terroriste ? L’analyse minutieuse des boîtes noires va pousser Mathieu à mener en secret sa propre investigation. Il ignore encore jusqu’où va le mener sa quête de vérité. 

Une sobriété remarquable 

Sans excès, sans armes ni violence, sans sexe, sans fort caractère : Boîte noire sait séduire autrement. Le thriller français trouve tout son charme dans la simplicité et les nuances techniques et psychologiques de son histoire. La complétude de cette œuvre, dans son unité et son étendu, la font vivre autrement ; elle parvient donc à s’extraire des clichés de films à énigme. C’est tout à l’honneur de ses acteurs, qui savent tout aussi bien adopter ce profil : naturel et convainquant. 

La réalisation est complète, d’une part dans l’information : le vocabulaire y est précis, les questions sont actuelles et majeures, les références complexes au domaine de l’aviation s’y retrouvent et le tout persuade qu’un réel travail de recherche et d’approfondissement à été fourni. D’autre part, dans l’esthétique, simplicité se fait mot d’ordre à nouveau, mais il n’empêche qu’une certaine beauté s’en dégage, et les scènes d’immersions sont réussies. Le thème ambiant n’est pas superficiel, les décors, les choix de composition, de couleurs, complètent le jeu et l’histoire sans jamais servir de cache-misère.

© WY Productions, 24 25 Films

Une énigme réussie mais pas résolue

Thriller est synonyme de suspense, d’énigme, de tension ou de fausses pistes, mais ce sont aussi des enjeux pour le réalisateur. Ici tout est juste : des premiers indices jusqu’aux dernières subtilités, la trame de l’histoire tient haleine et chaque seconde semble porteuse de mille richesses. L’attention portée à chacune des scènes, discours et personnages est juste : c’est rythmé par ces éléments que le spectateur enclenche sa réflexion. Il n’y a pas d’évidences, pas d’improbabilités… le doute, le suspense et les hypothèses prennent toujours le dessus. 

Alors, c’est dans son dénouement que Boîte noire prend au corps. De cette fin qui laisse sans mot, l’énigme se poursuit et cela même après avoir quitté l’obscurité de la salle. Satisfait ou contrarié, chacun s’approprie ce dénouement, qui sait justement faire vivre l’histoire au-delà du visionnage. Nous devenons à notre tour enquêteurs, emporté par nos théories, notre sensibilité, notre vérité… nous sommes acteurs de cette enquête dont nous possédons les grandes lignes et les grandes réponses, mais dont d’autres demeures. La nature humaine, à la recherche constante de réponse reprends le dessus, s’emporte et se laisse vivre grâce à la distance choisie par Yann Gozlan dans sa résolution.

Boîte noire extrait du temps avec son expérience honnête et prenante, digne des plus grands thrillers français. Le jeu des acteurs s’y prête, sans décalage ni déception. Simplicité, esthétique, subtilité : le film de Yann Gozlan coche toutes les cases pour convaincre et jouer du rôle de spectateur, à son tour acteur de l’enquête. En laissant la porte de l’énigme entrouverte, il use habilement de ces codes qui prolonge le film et ce qui se cache derrière.

4

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