Critique de Cherry

Un film de
Joe Russo, Anthony Russo
Sortie
12 mars 2021
Diffusion
Apple TV+

Adapté du roman semi-autobiographique du même nom de Nico Walker, Cherry marque le retour à la réalisation des figures de proue de l’écurie Marvel, les frères réalisateurs Joe et Anthony Russo. Après le succès phénoménal d’Avengers : Endgame en 2019, le film, produit par les frères eux-mêmes et distribué sur Apple TV+, affiche des ambitions plus modestes.

Les frères Russo sont surtout connus sur le format série et les performances au format long-métrage, pourtant rares, sont loin de marquer les esprits – du sympathique Captain America : le soldat de l’hiver au ridicule Bienvenue à Collinwood – ils étaient attendus au tournant avec ce drame porté par un Tom Holland très impliqué.

Tom Holland incarne un jeune militaire infirmier parti en Irak, soutenu par son grand amour Emily. À son retour, il souffre de stress post-traumatique et sombre dans la toxicomanie et la délinquance, tout en luttant pour retrouver une place dans le monde.

Rien ne sert de courir

Cherry est un film qui se nourrit du temps. Divisé en chapitres, il suit l’enchaînement de hasards et mauvaises décisions qui mènera le héros au moment qui ouvre le long-métrage : un homme épuisé, malade, braquant une banque à main armée. L’idée en soi n’est pas nouvelle, mais le changement radical entre chaque tableau a ici une vraie utilité et désoriente le spectateur qui se trouve lui aussi dépassé par les événements. Mais la gestion du temps sur l’ensemble du long-métrage n’est pas sauvé par ce découpage. Trop d’effets de réalisation visibles, une succession de plans trop rapides et souvent inutiles viennent parasiter l’émotion et le drame qui est censé se développer à l’écran.

Quand les frères Russo semblent se souvenir qu’ils peuvent désormais poser leur caméra sans essayer de maintenir l’attention d’un public venu voir un blockbuster, ils ne lui laisse pas le temps de développer visuellement de l’intimité entre Cherry et sa femme Emily (Ciara Bravo, quelque peu effacée par son partenaire à l’écran) pourtant au cœur de ce tourbillon dévastateur. Tous les problèmes de Cherry ne reposent pas nécessairement sur les deux réalisateurs, l’histoire en elle-même est intense et le scénario condensé. Il est donc compliqué, en voyant le résultat final, de savoir si le film aurait mérité des dizaines de minutes de plus afin de laisser l’intrigue véritablement se développer, ou au contraire d’être raccourci quitte à supprimer des séquences entières.

La cerise sur le gâteau

En réalité, le récit de Cherry et ses gimmicks se retrouvent dans d’autres œuvres cinématographiques souvent mieux réussies et souffre nécessairement de la comparaison, comme on peut le voir avec Télérama qui évoque une odyssée scorsesienne. Pourtant, cette histoire trouve un certain traitement original de cette odyssée : Cherry n’hésite pas à basculer parfois dans l’humour même, qu’il soit grinçant ou étrange, apportant ce degré d’empathie et d’humanité parfois difficilement trouvable dans la filmographie de Scorsese ou d’autres œuvres du même genre que Cherry. Moins une tragédie qu’un récit à la fois pathétique et dramatique.

Et pourtant, ce qui constitue son manque d’intérêt c’est que le spectateur, pour peu qu’il ait déjà vu des films américains sur des vétérans de guerre ou des toxicomanes désespérés, va se retrouver à calquer ses références sur les personnages de Cherry. Mettant alors de coté la spécificité de ces antihéros et leur souffrance personnelle. Et puisque le récit n’a rien de plus que ces références à apporter, l’ennui s’installe rapidement. C’est d’autant plus dommage qu’une sincérité touchante ressort de temps à autre et cherche à nous maintenir auprès de ces personnages. En tête évidemment, la performance de Tom Holland, splendide et bouleversant. Ce dernier long-métrage aura le mérite de le porter, on l’espère, pour d’autres projets de ce type et le sortir du rôle de l’adolescent sympathique sans relief.

Cherry est un long-métrage en demi-teinte. Porté par de réelles bonnes intentions, que ce soit du côté de l’adaptation ou du jeu d’acteur, il ne parvient pas à intéresser outre mesure. Plombé par une réalisation excessive des frères Russo probablement encore marqués par leurs précédents blockbusters et par une histoire aux rebondissements déjà vus maintes fois au cinéma, il demeure surtout la performance exceptionnelle de Tom Holland. Pour un film traitant de sujets si graves et d’actualité dans la société américaine, c’est d’autant plus regrettable.

Cherry est disponible depuis le 12 mars sur Apple TV+

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