Subversif. Choquant. La promo de Climax fait mouche : ce sera du Gaspar Noé pur jus. Mais en mieux. Ou en pire, selon l’admiration ou le mépris que l’on porte au réalisateur à la filmographie excessive. Après Irréversible ou encore Love, le cinéaste italo-argentin poursuit son oeuvre controversée et remporte avec Climax l’Art Cinema Award à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2018. Le film, comme l’attribution du prix, ont été le sujet d’une polémique. Rien de moins surprenant ? Pas sûr…
En 1996, à l’appel d’une chorégraphe de renom, un groupe de danseurs urbains se retrouvent dans un local de répétition isolé en bordure d’une forêt, par un temps enneigé. À l’issue de la répétition, les danseurs se lancent dans une fête pour décompresser. Mais très vite, il apparaît que quelqu’un a versé une substance illicite dans la sangria qu’ils buvaient.
L’assagissement d’un enfant terrible
Le film se veut être à la hauteur de ce qu’a accompli Noé jusqu’à présent. Et même aller au-delà, si l’on en croit la gradation de la bande-annonce (« Vous avez (…) maudit Love, venez fêter Climax« ). Pourtant il faut admettre que le propos, bien que brutal, est loin de sortir des sentiers de l’horreur grand public. Si on entendait des critiques dénoncer, à cor et à cri la crudité de l’image, dans Climax peu de choses vont jusque dans une forme d’immoralité ou de violence explicite. Remplacées par une abondante utilisation de sous-entendus et autres hors-champs si chers aux productions banalisées du genre. Cela fait de Climax l’oeuvre la plus accessible de Noé. Bien que ses admirateurs se sentiront probablement lésés. Et ce serait dommage.
L’erreur serait de résumer les attentes et le film à ses travers exultés. Certes, la plongée dans les enfers se fait d’autant plus profonde et chaotique qu’elle est soigneusement mise en scène. C’est lorsque tout s’accélère que la dynamique devient inévitable. L’exemple d’une séance vivante qui va plus loin que ce qu’elle montre et in fine, emporte. Mais c’est aussi toute la technique qu’il faut saluer. Le chaos si cher à Noé, a ses limites artistiques semble-t-il. De part la photographie d’abord, toujours brillamment orchestrée par Benoît Debie – qui avait déjà travaillé avec Noé à maintes reprises. D’autant plus pertinente ici qu’elle participe à la désorientation du spectateur. Mêlée aux cris, à la prise de vue désaxée et la musique omniprésente, c’est une véritable expérience sensorielle qui veut se rapprocher de celle des personnages. Sans risque.
Toutefois, si l’on veut bien s’immerger dans le film, il faut passer par une première partie très verbeuse aux séquences injustement longues. Mais coup de théâtre, elles aussi sont sauvées par les scènes de danse. Cas d’école, elles joignent chorégraphies individuelles et collectives exceptionnelles, et réalisation agréablement surprenante. Ce qui nous amène finalement aux acteurs : danseurs avant tout, leur compétence n’est plus à prouver. Pour ce qui est du jeu, tout reste très naturel malgré quelques faux pas localisés.
Climax n’a pas grand chose du film polémique. Ni dans le contenu, ni dans les intentions. S’il n’est pas à mettre dans toutes les mains, ils suit le registre assez classique de l’horreur. C’est dans sa forme qu’il se démarque et prend toute son ampleur. Mais cela ne serait pas lui rendre honneur que de le sur-intellectualiser. C’est avant tout une création qui sublime la monstruosité humaine et dont le cinéma est le medium qui convenait le mieux. Au final, Climax doit être pris comme ce qu’il est : un ballet macabre.