Critique Conjuring sous l'emprise du diable

Critique de Conjuring 3 : Sous l’emprise du Diable

Un film de
Michael Chaves
Sortie
9 juin 2021
Diffusion
Cinéma

L‘exorcisme au cinéma a tendance à ennuyer, tout comme les histoires de maisons hantées, dès que les mêmes recettes usées depuis des années peinent à renouveler le genre dont les classiques d’antan ne font que se renforcer avec le temps. C’est un des exemples les plus frappants quant à la difficulté de s’extraire d’un univers et de ses poncifs installés, abusés puis banalisés jusqu’à l’outrance. Malgré quelques excursions intelligentes, on tombe bien souvent dans des navets à jumpscare.

Bien heureusement, James Wan avait trouvé en réalisant Conjuring en 2013, le parfait équilibre entre hommage et inventivité formelle. Un énorme succès qui a entraîné la création d’une franchise autour des époux Warren. Après une suite convaincante et quelques spin-off oubliables, James Wan laisse la réalisation du troisième opus de la saga principale à Michael Chaves.


Conjuring 3 : sous l’emprise du diable retrace une affaire terrifiante de meurtre et de présence maléfique mystérieuse qui a même ébranlé les enquêteurs paranormaux Ed et Lorraine Warren, pourtant très aguerris. Dans cette affaire issue de leurs dossiers secrets – l’une des plus spectaculaires – , Ed et Lorraine commencent par se battre pour protéger l’âme d’un petit garçon, puis basculent dans un monde radicalement inconnu. Ce sera la première fois dans l’histoire des États-Unis qu’un homme soupçonné de meurtre plaide la possession démoniaque comme ligne de défense.

N’est pas James Wan qui veut…

Michael Chaves veut jouir de la même virtuosité que celle du premier Conjuring mais ses tentatives stylistiques ne prennent à aucun moment. Là où un plan séquence tout en longueur servait à James Wan pour installer une ambiance, découvrir une maison et ses habitants via sa caméra aérienne et fantomatique, Michael Chaves s’approche plus du pastiche maladroit et inutile. Il ne va pas au bout de sa démarche et tombe dans la copie dispensable. De plus, la force du premier opus résidait dans un certain ludisme pour le spectateur. Les plans fixes duraient et un véritable jeu de pistes s’opérait afin d’identifier la menace dans le cadre. Ici tout paraît survolté, à la limite d’un film d’action sur-découpé et très maladroitement monté.

En parallèle de cette mise en scène maladroite, le réalisateur échoue également dans son esthétique. Certes, le travail sur la lumière est par instant magnifique mais il ponctue ses séquences de quelques ralentis poussifs et inutiles. On y sent une volonté d’appuyer les émotions présentes à l’écran mais qui finissent, faute d’un manque aberrant de finesse, par s’écrouler. L’exemple parfait de cette maladresse reste les flashback du couple Warren à la limite du risible : photographie sépia, musique larmoyante et ralentis passionnés…

Maladroit, bourrin et expéditif

Pourtant dès les premières minutes nous pouvions penser à un renouvellement de la franchise, ce qui aurait été appréciable et courageux. Historiquement les Conjuring s’ouvraient sur une enquête du couple Warren complètement décorrélée de celle du long-métrage. Pour le troisième opus la formule change, et l’introduction sert de mise en place pour l’intrigue qui va suivre. Un axe beaucoup plus judiciaire est alors proposé afin de renouveler l’enquête paranormale. Il aurait d’ailleurs été fort intéressant de suivre une sorte de thriller horrifique, prenant ainsi à contrepied les attentes du spectateur pour réinjecter un vent nouveau. Malheureusement, ces préoccupations sont rapidement oubliées pour tomber dans de l’horreur de bas étage…

Le plus regrettable dans cette catastrophe industrielle reste son décorum extraordinaire qui est totalement laissé de côté. Au lieu de profiter de ses rites sataniques dans une ruralité sauvage et inquiétante, le réalisateur s’enferme dans des intérieurs sans âme, déjà vus et revus. Au lieu de s’intéresser purement à de la sorcellerie ou un certain type de folk-horror, nous retombons pour une énième fois dans des problématiques d’exorcisme catholique face à un démon… Les explosions d’horreur quant à elles flirtent entre frontalité outrancière et orgie numérique. Aucune place pour l’imagination, les non-dits ou le hors-champ : tout est montré, exagéré au possible. Pas de montée en puissance dans l’épouvante non plus, ce qui enlève tout l’impact d’un climax final poussif et bâclé.

Conjuring 3 entreprend beaucoup de choses mais n’en finit aucune. Ni thriller horrifique, ni film d’épouvante, ni film d’action, ce troisième opus apparait comme celui de trop. Partagé entre hommage aux deux premiers et idées novatrices, le réalisateur finit par se perdre et noyer son film dans un tout franchement maladroit. Il parvient même l’exploit de rendre le couple Warren inintéressant. James Wan n’avait peut être pas réalisé deux chefs-d’œuvre absolus du genre mais il avait au moins le mérite de lier un talent certain à une passion touchante pour ses aïeux. Conjuring 3 reste trop maladroit pour être pris au sérieux mais également trop solennel pour une série B décomplexée. Finalement, la malédiction James Wan a encore frappé : un univers créé puis délégué à d’autres cinéastes qui finissent par en ruiner les fondations…

1.5

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