Critique de Les Crimes du Futur

Un film de
David Cronenberg
Sortie
25 mai 2022
Diffusion
Cinéma

FESTIVAL DE CANNES 2022 – Habitué de la croisette, David Cronenberg revient en compétition officielle avec Les Crimes du Futur, huit ans après son Maps to the Stars qui n’avait pas fait l’unanimité. Souvent considéré comme le pape du body horror, sa carrière peut être divisée en deux. D’un côté, ce qui a fait la renommée du réalisateur canadien, à savoir des films très organiques, viscéraux. De l’autre, des récits bien plus « réalistes » sur les névroses d’une société en perdition. Bien qu’ayant le même titre, Les Crimes du Futur version 2022 n’a rien à voir avec celui sorti en 1970. Ici Cronenberg revient à ses premiers amours, à la chair, sans en oublier une charge sur notre société.

Dans un futur proche, les humains ont appris à vivre sans leur enveloppe corporelle. L’Humanité est désormais capable de modifier sa composition biologique et notamment de se métamorphoser. Le performeur Saul Tenser en a fait un spectacle. Avec sa partenaire Caprice, il dévoile en temps réel à ses adeptes l’ablation et la transformation de ses organes.

Le principal argument de ce nouveau Cronenberg reste son ambiance et son approche graphique. On retrouve par instants le travail du plasticien suisse Hans Ruedi Giger dans la conception de machines ou leur aspect visuel. Un mélange bio-mécanique des plus efficaces pour souligner les dérives mortifères de cette société dystopique. Les Crimes du futur est également très charnel. Que ce soit avec les séquences d’ablations, mais également dans la fascination pour les orifices qu’elles créent. Finalement, Cronenberg retourne dans les dérives sexuelles de Crash ou d’eXistenZ. Dans le premier, les personnages avaient une attirance sexuelle pour les corps mutilés au milieu de tôles froissées. Tandis que pour le second, des câbles électriques au symbole phallique s’introduisaient dans de nouveaux orifices pour remplacer les étreintes sexuelles des personnages.

© Metropolitan FilmExport

Un futur nihiliste

Il règne une ambiance de mort dans cette ville que l’on ne cite pas, que l’on ne voit pas. Les personnages semblent errer dans les décombres d’une société déchue qu’un drame cataclysmique aurait touché de plein fouet. La figure de Viggo Mortensen en est d’autant plus intéressante lors d’escapades nocturnes anxiogènes où un silence de mort règne, dans des rues où seules quelques mouches se font entendre. Il apparait alors comme un spectre ayant survécu à la peste noire. Au milieu de tout ça, existent des « performances » physiques où l’on se taillade, on se charcute, on s’opère, devant un public hypnotisé par la scène. On peut y voir une certaine dérive du voyeurisme malsain de notre société. Les individus sont fascinés par de sombres mutilations d’artistes qui « créent à partir de rien ». Séquences chocs certes, mais très réussies dans leur ambiance underground, à deux pas du véritable snuff movie !

Les Crimes du Futur laisse assez pensif, parfois perplexe. Par moments David Cronenberg excelle pour le plus grand bonheur du spectateur qui assiste à une fusion de toutes ses thématiques. Malheureusement, le récit se perd dans plusieurs sous-intrigues et noie son propos. Tantôt contre le voyeurisme et les dérives de la chirurgie esthétique et de l’art contemporain, tantôt écologiste et moralisateur, le long-métrage manque de finesse dans certains de ses dialogues et perd en puissance évocatrice. La déception est d’autant plus marquante que si Cronenberg avait épuré son récit, en enlevant quelques personnages inutiles ou axes scénaristiques dispensables, nous aurions fait face à un de ses meilleurs films.

3

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