Critique de Ça

Clown sur la ville

Un film de
Andrés Muschietti
Sortie
20 septembre 2017
Diffusion
Cinéma

Les remakes hollywoodien des classiques du cinéma de genre des années 70 à 90 n’ont que très rarement engendrés de belles surprises, loin de là. Et si l’on pense plus aux catastrophes comme les innombrables remakes  / suites d’Halloween, la « suite » de The Thing ou encore le remake de The Fog certains films ont quand même réussi à sortir du lot et créer la surprise. On pense notamment à La Colline a des Yeux d’Alexandre Aja ou encore à L’Armée des morts de Zack Snyder.

Mais cette adaptation de Ça n’est pas un remake du téléfilm de 1990 mais bien directement tiré du livre de Stephen King publié en  1986. Ce premier portage du terrifiant clown Grippe-Sou sur grand écran valait-il vraiment le coup ?

À Derry, dans le Maine, sept gamins ayant du mal à s’intégrer se sont regroupés au sein du « Club des Ratés ». Rejetés par leurs camarades, ils sont les cibles favorites des gros durs de l’école. Ils ont aussi en commun d’avoir éprouvé leur plus grande terreur face à un terrible prédateur métamorphe qu’ils appellent « Ça »…

Car depuis toujours, Derry est en proie à une créature qui émerge des égouts tous les 27 ans pour se nourrir des terreurs de ses victimes de choix : les enfants. Bien décidés à rester soudés, les Ratés tentent de surmonter leurs peurs pour enrayer un nouveau cycle meurtrier. Un cycle qui a commencé un jour de pluie lorsqu’un petit garçon poursuivant son bateau en papier s’est retrouvé face-à-face avec le Clown Grippe-Sou …

Il est revenu

Le projet d’adaptation sur grand écran du célèbre clown traîne depuis plusieurs années dans les couloirs d’Hollywood, depuis 2009 trois réalisateurs se sont succédé : David Kajganich, Cary Fukunaga puis enfin Andrés Muschietti. Mais le projet a véritablement fait parler de lui depuis 2015 et le départ brutal de Fukunaga (réalisateur de la première saison de True Detective), en effet sa version était beaucoup trop sombre et malsaine pour Warner qui a préféré un réalisateur plus « conventionnel » en la personne de Muschietti. Mais s’il est véritablement dommage de ne pas avoir laissé sa chance à Fukunaga qui avait les clés pour réinventer le cinéma d’horreur moderne la version final, celle de Muschietti, est-elle un désastre ? Non, loin de là.

Andrés Muschietti incarne la nouvelle génération des réalisateurs de film de genre, c’est bien simple Ça n’est que son deuxième long métrage après l’encensé Mama sorti en 2013. Et s’il est relativement nouveau dans le milieu cinématographique Muschietti n’a pas à rougir de la comparaison avec les plus grands. Tous les ingrédients d’un grand film sont présents et malgré certains défauts encombrants Ça est une réussite en tout point. Cette version 2017 du classique de la littérature d’horreur bénéficie d’un rythme brillamment maîtrisé alternant avec brio scènes d’horreurs pures et simples moments de calmes, un rythme « montagne russe » parfaitement dosé qui permet de ne pas tomber dans la surenchère de scènes horrifiques.

Mais là ou Ça marque réellement les esprits c’est à travers certaines de ses scènes d’une violence et d’un travail graphique digne des plus grands (comme la scène de la salle de bain ou du projecteur par exemple). L’influence de James Wan et de la saga Conjuring plane sur tout le long métrage et c’est ce que l’on pouvait espérer de mieux. Tout cela étant magnifié par le directeur de la photo de Park Chan-wook : Chung-hoon Chung qui fait de la photographie de Ça l’une des plus belles dans l’histoire du cinéma d’horreur.

Enfance maudite

Le scénario, les dialogues et l’écriture des personnages sont rarement des points forts lorsque l’on parle de films d’horreurs grand public (des défauts souvent corrigés par les productions indépendantes) mais c’est bien à travers ces trois points d’écriture que Ça tire son épingle du jeu. Le spectre des 80’s plane sur le film à la manière d’une production Amblin à tel point que l’on pourrait se croire dans un Spielberg (à condition qu’il réalise des films d’horreurs – oui je t’entends celui qui souffle Poltergeist au fond), la mode des productions 80’s popularisée par Stranger Things a encore de beaux jours devant elle. Mais cette ambiance ne tombe jamais dans le cliché facile ou la simple beauté de façade, tous les éléments d’un véritable film des 80’s sont présents, une sorte de décennie 80 en plus grand, plus beau et plus fort sans le coté nostalgique.

Mais si Spielberg vient à l’esprit dès les premières minutes du film c’est avant tout grâce au traitement de l’enfance, des ses craintes et ses peurs les plus intimes qui sont au centre du livre de Stephen King. 

Cette version 2017 de Ça est, tout comme l’oeuvre originale, avant tout un film sur l’enfance et la condition même de l’enfant, sur le passage à l’âge adulte mais également sur le rapport à sa sexualité. C’est bien cela qui fait de Ça  un grand film d’horreur, cet ancrage dans la réalité, aux peurs les plus profondes de que chacun a traversé durant son enfance :  comme un miroir au plus profond de l’être.

Le film n’est pas exempt de défauts : il souffre définitivement de son statut de film d’horreur « blockbuster » mais qui, contrairement à ce que la bande annonce laisser voir, n’a pas engrangé une surdose de jumpscare et autres éléments horrifiques digne de supermarchés discount. Ces défauts sont vites effacés par l’interprétation des membres du Club des losers mais surtout par celle de Bill Skarsgård en Grippe-Sou tout simplement monstrueux : son simple sourire glace l’audience. Le choix de casting rappellera, dans l’imaginaire collectif, Stranger Things et pourtant le projet est bien plus ancien, ironie du sort. Tous ces jeunes acteurs portent le film pendant plus de deux heures sans jamais faiblir à tel point qu’ils nous feraient quasiment regretter la partie 2 du film se passant 27 ans plus tard.

Ça est le film attendu par certains, il dépasse même les attentes en ce qui concerne son écriture, ses visuels et son interprétation. Malgré les défauts d’un film d’horreur formaté pour les grands studios il ne tombe pas dans le piège de l’horreur à outrance et des procédés horrifiques discount. Sans pour autant révolutionner le genre comme aurait pu faire Fukunaga cette version 2017 du roman de Stephen King est une véritable tentative de cinéma à la fois honnête et sincère mais qui est malheureusement desservie par un dernier acte plus prévisible. 

4

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