Critique de Suicide Squad

L‘entrée de DC dans le milieu du film de super-héros, jusque-là presque monopolisé par Marvel fut fracassante mais pas autant qu’on aurait pu le prévoir, car, même s’il a rencontré un succès au box office, Batman V Superman est loin d’avoir marqué un succès critique. Mais DC avait prévu le coup et avait préparé un autre film, un plan de rattrapage pour ceux qui (comme moi) n’étaient pas du tout emballés par BvS et ce plan, c’était l’Escadron Suicide ou Suicide Squad dans la langue de McGiver.

Suicide Squad nous présente une équipe formée de criminels méta-humains (avec des supers-pouvoirs) réunis par le gouvernement pour parer à une potentielle menace terroriste surhumaine. Cette équipe est envoyée à Midway City pour lutter contre deux entités magiques et leur armée de zombies flasques buboniques bizarres.

Le parti pris de Suicide Squad était donc de nous embarquer avec ces criminels, voleurs, meurtriers, et gangsters complètement barrés et de nous entraîner dans une aventure endiablée au long de laquelle ont apprendrait à s’attacher à ces personnages antipathiques. La promo du film a commencé il y a 14 mois de cela. De gros moyens ont été mis en œuvre et le film était sans doute le plus attendu de cet été 2016, certains voyant même en lui ce messie du film de super héros, celui qu’on attend désespérément depuis quelques mois, ce film qui brisera tous les clichés inhérents au genre et changera la vision du public et des auteurs, bref une sorte d’Avengers bis.

Suicide Squad introduit un très grand de nombre de protagonistes d’autant plus difficiles à gérer que ce sont des personnages complètement inconnus de ceux qui n’ont jamais lu de comics DC. Trois d’entre eux se disputent les premiers rôles : Rick Flag, l’officier des forces spéciales qui fait ici office de boyscout de service, Deadshot le tireur d’élite qui ne manque jamais sa cible, brillamment interprété par un Will Smith décalé et mène plus ou moins l’équipe. Harley Quinn (Margot Robbie, aussi visible dans Tarzan cet été), potiche du Joker, complètement maboule, très dangereuse et (inutilement) ultra sexy Ces personnages sont les plus développés, et ce sont ceux qui évoluent le plus au cours du film. Harley de par son éternelle relation complexe avec « Mr J » et par les liens qu’elle tisse avec Deadshot qui, pour sa part, est initialement prêt à tout pour s’enfuir mais à qui il pousse un sens des responsabilités. Rick Flag, quant à lui nous sert de prisme moral. On suit l’évolution de sa vision des membres de l’Escadron, comment il abandonne sa haine et son dégoût pour apprendre à les comprendre et à les voir comme des frères d’armes.

Ces personnages sont particulièrement détaillés et, malheureusement ça laisse assez peu de place aux autres membres de l’équipe, qui font parfois un peu trop office de personnages fonction., comme Boomerang, le petit rigolo de la bande. On peut par aussi déplorer l’absence de développement autour de Killer Croc. Mention spéciale, cependant, à El Diablo, dont l’histoire est particulièrement touchante et les effets visuels particulièrement bien réussis et au Joker de Jared Leto qui explore encore de nouvelles horizons avec un Joker extrêmement charismatique, grave, sauvage, angoissant et feutrés. Une pesanteur qui rend ses moments d’explosion de folie d’autant plus impressionnants. Dommage qu’il ne tienne qu’un tout petit rôle, on aimerait vraiment en voir BEAUCOUP plus.

Je place aussi un petit bémol sur les méchants, dont le plan n’est pas orignal, les motivations peu claires et les capacités plutôt décevantes, surtout comparé à ce que le réalisateur avait annoncé (un grand méchant surpuissant, inspiré de Cthulhu, dieu du Panthéon Lovecraftien.) Mais leur design travaillé et les effets spéciaux vraiment très stylés compensent un peu.

Suicide Squad a donc une belle galerie de personnages tous différents, tous utiles et tous cool, ce qui est un sacré point fort mais ce n’est pas le principal atout du film. Ce qui m’a marqué au visionnage c’est sa manière de mélanger les styles et de faire des ruptures de ton abruptes et surprenantes mais qui font du film une montagne russe émotionnelle assez impressionnante. Ça se ressent dans l’écriture des personnages, ridiculisés dans une scène, puis iconisés dans une séquence épique juste après, mais aussi dans la réalisation : certains plans sont léchés, avec une rigoureuse symétrie et un mouvement de caméra lent, et d’autre, notamment pendant les scènes d’actions, ultra dynamiques, avec pleins d’objets qui volent dans le champ (certains diront bordéliques en fait).

Suicide-squad

Suicide Squad nous fait sauter d’un morceau de  bravoure survitaminé à une séquence dramatique vraiment touchante en passant par de la déconnade potache sans trop de transition, ce qui peut en déstabiliser certains et donner l’impression d’un foutoir sans nom mais qui, pour peu qu’on accepte le délire et qu’on soit un peu sensible, sonne un mélange de sentiments et d’émotions assez rare. C’est ainsi qu’on se retrouve avec certaines séquences vraiment classes qui, de parce qu’elles sont inattendues, sont d’autant plus marquantes.

Depuis tout à l’heure je semble me débattre avec un ressenti un peu étrange et paradoxal mais on peut aussi résumer Suicide Squad assez simplement : c’est cool. Les musiques sont cools, les acteurs sont cools, les dialogues sont cools, les scènes d’action sont cools, les effets spéciaux sont cools,… C’est un film hyper divertissant pour peu qu’on veuille bien se laisser emporter, et surtout un film qui refuse de se prendre la tête sur des questions trop barbantes, les esquivant avec de la folie ou du cynisme. Et ça, dans un monde où les films de super-héros s’engagent dans une course aux ténèbres et à celui qui posera le plus de questions morales et politiques amenées n’importe comment et traitées grossièrement, bah c’est franchement rafraichissant. Par contre ce n’est pas du tout ce que les gens attendaient.

Donc non, Suicide Squad ne sera pas ce messie ultra violent et novateur qui transfigurera la face du cinéma d’action. Oui, il y a des clichés, des maladresses et des fautes de gout, oui le film est beaucoup plus convenu que ce qu’on nous avait promis, oui il a sans doute péché en se montrant trop dans les bandes annonces et oui, il a complètement été charcuté au montage, mais est-ce une raison pour bouder notre plaisir face à un film vraiment fun, divertissant, dans l’esprit des comics et qui propose une expérience particulière à ceux qui acceptent de s’impliquer ?  Moi je dis non, mais après c’est à vous de voir.

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