Warner Bros., qui a la lourde tâche de porter les personnages de DC comics à l’écran, a rencontré deux échecs critiques avec Batman V Superman et Suicide Squad. On leur reproche, entre autres, de vouloir « rattraper » au plus vite possible l’univers cinématographique de Marvel, introduisant trop de personnages et d’intrigues par film. Le studio n’a donc plus franchement droit à l’erreur. A noter également qu’il n’y a pas eu de film super-héroïque avec un personnage principal féminin depuis le nullissime Elektra en 2005.
C’est dans ce contexte qu’arrive Wonder Woman ; origin story d’un des personnages les plus populaires de l’univers de DC, qui se déroule plusieurs décennies avant la naissance des autres futurs membres de la Justice League et qui raconte les aventures d’une super-héroïne. Alors, Wonder Woman est-il un grand film d’action mettant glorieusement en avant un personnage féminin rachetant les erreurs passées du DCEU ou un nouvel échec critique ?
C’était avant qu’elle ne devienne Wonder Woman, à l’époque où elle était encore Diana, princesse des Amazones et combattante invincible. Un jour, un pilote américain s’écrase sur l’île paradisiaque où elle vit, à l’abri des fracas du monde. Lorsqu’il lui raconte qu’une guerre terrible fait rage à l’autre bout de la planète, Diana quitte son havre de paix, convaincue qu’elle doit enrayer la menace. En s’alliant aux hommes dans un combat destiné à mettre fin à la guerre, Diana découvrira toute l’étendue de ses pouvoirs… et son véritable destin.
It’s a No Man’s Land…
Wonder Woman démarre… mollement. Le premier tiers du film semble être une formalité, prévisible mais inévitable, qui défile pour introduire des éléments qui ne serviront que quand le film se décidera à devenir vraiment agréable. La séquence sur Themyscira, la rencontre avec le capitaine Trevor (Chris Pine), l’arrivée de Diana à Londres et tous les quiproquos qui vont avec… Toute cette première partie de film passe sans heurt, mais tout de même sans grand intérêt. De plus la réalisation est très classique et les gags manquent de finesse. Heureusement quelques scènes d’action efficace et originales viennent briser la lourdeur de ce début d’origin story.
Car c’est bien cela qui alourdit son rythme : Wonder Woman a la mission de nous présenter toutes les caractéristiques de la version cinématographique du personnage. Cependant, si je semble critiquer son exécution, il n’en est rien, car c’est une franche réussite. Tous les motifs (ses origines, ses motivations, ses capacités…) du personnage sont introduits efficacement, sans qu’on ait l’impression que c’est le seul but du film. Qui plus est, bien que le personnage existe depuis plus de 75 ans, c’est son premier passage sur grand écran. Cette histoire est donc inédite et franchement rafraîchissant, dans la mesure où nous n’avons pas à assister pour la 15ème fois à l’assassinat de Thomas et Martha Wayne ou de l’Oncle Ben. Enfin le cadre historique de la Première Guerre mondiale est assez rare dans les films d’action et ici très bien exploité.
… But I am no man !
Mais passé ce moment d’incertitude le film décolle réellement, il trouve sa dynamique dans la confrontation entre le fantastique naïf du monde de Wonder Woman et la réalité dure et sans pitié de la Guerre. Confrontation qui donne au film une dimension ironique et permet d’excuser le kitsch inhérent au personnage (on parle quand même d’une guerrière en tenue bariolée qui fait des super-bonds et dévie les balles avec ses bracelets). Les deux univers se mêlent et s’influencent : Diana, instrument brut de libération et d’inspiration, rend le monde meilleur et la guerre prive Diana de ses illusions, la met face à son impuissance profonde, son incapacité à sauver tout le monde. Et c’est ainsi qu’évoluent les personnages : faisant face à leur démons ou s’en découvrant de nouveaux, car Diana a tout à apprendre de la vie et cette aventure est sa leçon.
Le film porte un message simple et inspirant sur la nature humaine et l’importance des convictions. Rien de révolutionnaire ni de transcendant mais un message honnête et digne d’un film de super-héros classique. A cela vient s’ajouter une morale féministe inhérente à la position de « premier film de super-héroïne ». Mais cet argumentaire, qui aurait pu être grossier et invasif, est subtilement intégré dans le cadre historique. Diana est confrontée à toutes les idées préconçues et les comportements sexistes de l’époque et y fait face en tant qu’étrangère à la société, mais surtout en dépassant constamment les limites qu’on lui impose et en faisant tout ce qu’on lui présente comme impossible. C’est intelligent et assez exemplaire.
Même si quelques réserves sont donc à évoquer sur le rythme et la réalisation peu inspirée de Wonder Woman, le film à deux indéniables qualités : ses scènes d’action et son interprétation.
Ces premières sont absolument époustouflantes : rapides et brutales, réalisées avec un dynamisme et une inventivité folle, chargées d’une force dramatique et iconisant parfaitement l’héroïne qui montre une surpuissance proprement fascinante. L’influence Pulp dans les morceaux de bravoure exaltants, la démesure assumée et la pyrotechnie flamboyante est heureuse, et renvoie à de grands moments de Pop Culture. Enfin, pas de montage épileptique à déplorer et les ralentis (qui seront sans doute critiqué par certains), aident à la lisibilité de l’action. La musique de Rupert Gregson-Wiliams (qui reprend d’ailleurs le thème composé par Hans Zimmer et Junkie XL et présent dans Batman V Superman) sublime ces séquences proprement mémorable.
La performance des acteurs est également à louer. Gal Gadot incarne pleinement Wonder Woman et s’impose comme le nouveau visage de ce personnage iconique en convaincant, à coup sûr, même les sceptiques (comme moi). Elle véhicule pleinement l’héroïsme candide de l’Amazone encore à ses débuts. Il y a une véritable alchimie entre elle et Chris Pine qui la seconde, et les scènes qu’ils partagent sont immanquablement drôles ou touchantes. Le reste des personnages manquent de développement mais demeurent sympathiques et drôles (pour ceux qui doivent l’être). Enfin, si Dany Huston (qui joue le général Ludendorff) et Elena Anaya (Docteur Poison) forment un duo de génies du mal purement pulp très satisfaisant, je serais plus réservé vis-à-vis du casting de l’autre antagoniste, très douteux, et sur lequel je ne peux rien dire de plus sans spoiler.
Wonder Woman est un très bon film de super-héros, hautement divertissant, exemplaire dans ses scènes d’action et habile dans le traitement du personnage principal. On peut déplorer un début poussif, une réalisation qui manque d’originalité hors des scènes d’action et une écriture parfois un peu niaise. Cependant ces défauts sont largement excusables tant les qualités du film sont évidentes. Le film fait très bien son travail d’origin story et étend l’univers cinématique de DC sans être une publicité racoleuse pour Justice League (un écueil glorieusement évité !). Ce n’est peut être pas le meilleur film de super-héros de ces dernières années, mais c’est à coup sûr un très bon film qui, comme son héroïne, apparaît en des temps troubles pour semer l’espoir dans le cœur des hommes, et des fans de DC !