Critique de Elvis

Un film de
Baz Luhrmann
Sortie
22 juin 2022
Diffusion
Cinéma

FESTIVAL DE CANNES 2022 – Dernier né d’une longue lignée de biopic, Elvis à la sauce Baz Luhrmann a enflammé la Croisette comme l’avait fait Rocketman avant lui. Toujours aussi généreux, le cinéma de Lurhmann n’est pas forcément le plus évident quand on pense au genre si calibré et générique du film biographique : là est sûrement l’un des arguments les plus intriguants de cette nouvelle mouture du mythe du King.

La vie et l’œuvre musicale d’Elvis Presley à travers le prisme de ses rapports complexes avec son mystérieux manager, le colonel Tom Parker. Le film explorera leurs relations sur une vingtaine d’années, de l’ascension du chanteur à son statut de star inégalé, sur fond de bouleversements culturels et de la découverte par l’Amérique de la fin de l’innocence.

Toujours rutilant, le cinéma stylisé à l’extrême de Baz Luhrmann peut décontenancer. Son amour pour le glam-rock, son appétence pour le baroque et sa personnalité atypique ont toujours infusé dans ses personnages au moins aussi passionnants que lui. Il aura fallu attendre neuf ans pour redécouvrir une de ses oeuvres sur le grand écran. Depuis Gatsby le Magnifique en 2013 il s’était tourné vers la télévision avec sa série, annulée depuis, The Get Down. Pour son grand retour, Luhrmann s’empare du mythe d’Elvis en choisissant l’angle du colonel Parker, célèbre imprésario du roi du rock à l’influence aussi néfaste que primordiale. Un personnage complexe, campé par un Tom Hanks enfin de retour dans des rôles plus sombres qui lui permettent, comme toujours, de montrer l’immensité de son talent tout en nuances.

© Warner Bros.

Elvis has left the building

Si l’ascension du King intrigue, c’est la tragédie qui se joue derrière le sommet puis la chute qui intéresse Lurhmann. Après une première heure à l’abondance d’effets proche de l’orgasmique, la narration se concentre sur la relation toxique qui s’installe entre Elvis et le colonel Parker. Quand le film se pose enfin, et maintient une construction en miroir avec la vie de l’idole, Austin Butler obtient champ libre et impressionne avec son interprétation plus vraie que nature d’un Elvis qui va plus loin que le simple mimétisme, à l’image de Joaquin Phoenix dans Walk the line. De cette interprétation va naître de véritables moments de cinéma, où le questionnement constant sur l’héritage de son oeuvre va pousser Elvis dans ses retranchements, à la recherche de sa propre voix, lui qui s’est construit en puisant dans celles des autres.

Finalement, malgré ces questionnements forts et la bravoure qui imprègne le grand retour de l’idole dans le mythique Comeback Special de 1968, le film s’enlise et rentre dans les cases attendues d’un tel projet. Ascension, gloire, trahison, doutes et tentative de retour au sommet s’enchaînent sans véritable vision ou envie de voir plus loin qu’un récit déjà vu et revu dans le cinéma américain. Et le tout, malgré de très belles scènes musicales qui finissent par se répéter et lasser à l’image de son idole, emprisonnée par son propre succès dans un Las Vegas quasi-fantomatique.

D’une densité folle, Elvis déborde d’idées mais ne leur rend pas toujours hommage, noyé sous les attentes d’un biopic finalement calibré pour le grand public. Si Baz Lurhmann s’écarte de l’attendu en chemin, et propose une fable musicale autour de la vie du King, le dernier acte raccroche les wagons et coche alors toutes les cases du film musical biographique. On aurait aimé voir autant de folie dans l’écriture que dans la réalisation des scènes de concert, d’où Austin Butler ressort immense.

3.5

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