Critique de Falcon Lake

Un film de
Charlotte Le Bon
Sortie
7 décembre 2022
Diffusion
Cinéma

FESTIVAL DE CANNES 2022 – Visage bien connu d’une époque où Canal+ faisait loi, Charlotte Le Bon a connu un succès fulgurant en tant qu’actrice, jusqu’à se faire repérer par Steven Spielberg lui-même, impressionné par son énergie comique et son univers singulier. Alors, quand elle est passée derrière la caméra avec son remarqué court-métrage Judith Hotel, elle a transposé cette singularité à l’écran et laissé apparaître les prémices de ses talents de cinéaste. Pour son premier long-métrage, Falcon Lake, elle adapte la BD Une soeur en y ajoutant sa vision des fantômes et de l’étrange.

Pour les vacances d’été, Bastien, 13 ans, quitte Paris avec sa famille pour le calme d’un chalet au bord d’un lac québécois, ou sa mère, Violette, a grandi. Ils s’installent chez une amie de longue date, Louise, et sa fille Chloé, 16 ans. Malgré les trois ans qui séparent Bastien et Chloé, une connexion singulière se crée entre eux et un jeu charnel étrange s’installe. Prêt à braver ses pires peurs pour se faire une place dans le cœur de Chloé, l’été devient un moment charnière trouble pour le jeune garçon.

Une histoire d’amour et de fantômes

Dès son ouverture et les premiers moments de cet été adolescent, Falcon Lake impressionne par l’ambiance qu’il met en place. Les décors somptueux de la région des Laurentides au Québec remplacent les plages bretonnes de la bande-dessinée, et la douceur des abords du lac laisse envisager la mélancolie qui va imprégner tout le long-métrage. Au centre de cette histoire gravitent deux adolescents, en proie avec leurs sentiments, mais surtout avec les injonctions qui en découlent.

De cette esquisse plutôt banale pour un cinéma du récit initiatique, Charlotte Le Bon va méticuleusement se déposséder de ses propres artifices pour proposer une œuvre quasi candide dans son sens le plus pur : au plus proche de ses personnages, de leurs sentiments contradictoires et changeants d’adultes en construction.

© Tandem Films

Empreint d’une étrangeté rampante, le film de Charlotte Le Bon ne confronte jamais vraiment ses propres mythes, et le personnage de Chloée s’en amuse, comme une cinéaste, à nourrir contes et légendes autour de ce lieu mystique qu’incarne le lac. Grâce à son merveilleux casting, et la révélation Sara Montpetit, une ambiance étrange et pourtant si familière se construit, et le film touche alors du doigt la beauté du désir et de son éveil. Le tout est porté par la musique de la pianiste Shida Shahabi qui signe ici une première composition pour le cinéma, nourrissant ce calme mélancolique et la chaleur d’un été de tous les possibles.

Si le sens du mot « beauté » a perdu en puissance avec des œuvres de plus en plus génériques, le premier film de Charlotte Le Bon lui insuffle une nouvelle jeunesse. En captant la mélancolie des premières relations, aussi intenses que si elles étaient les dernières, Falcon Lake la place déjà comme une incroyable cinéaste à suivre. Sa vision est avant tout dictée par sa maturité et la pertinence de ses choix, dans ces moments de silences et de solitudes où son style s’efface au profit de son univers. Elle nous fait oublier, le temps d’un film, notre propre existence, et cela malgré le drame qui hante son long-métrage.

4

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