N’avons-nous pas tous été tentés de regarder une fois chez nos voisins pour y voir ce qu’il s’y passe ? Présents ou absents, nous trouvons un malin plaisir à regarder comment les autres vivent, à la recherche des petits objets et de leurs emplacements… Ce tableau, ici ? Pourquoi pas. Mais comme deux mondes qui ne peuvent se rencontrer, nous n’irons jamais plus loin que notre fenêtre.
Ce n’est pas le cas d’Anna Fox, qui en vient à rencontrer ceux qu’elle observe minutieusement tous les jours, pour le pire. Basé sur le roman éponyme d’A. J. Finn, La Femme à la fenêtre de Joe Wright raconte l’histoire de cette femme agoraphobe qui ne sort jamais de chez elle, et qui peine à se distraire autrement qu’avec des écrans et ses voisins. En attendant de retrouver nos belles salles drapées de velours rouge, c’est sur Netflix que nous découvrons ce film au développement maudit, avec une sortie initialement prévue en salles par 20th Century Studios.
Anna Fox, une psychologue pour enfants agoraphobe vivant cloîtrée dans sa demeure new-yorkaise, se met à espionner par la fenêtre la famille d’allure parfaite qui s’est installée de l’autre côté de la rue. Sa vie bascule quand elle assiste par hasard à un crime épouvantable.
Un film généreux
Avec une musique composée par Danny Elfman et la participation de Gary Oldman, La femme à la fenêtre semble dès le début aligner les bons éléments pour un résultat de qualité. La colorimétrie est appréciable, la composition est intéressante et les personnages jouent leurs enjeux de manière convaincante. L’histoire débute bien et sait nous intéresser dès les premiers éléments qu’elle distille au fil des situations. La dimension et la place de l’électronique dans l’intrigue nous accroche et nous touche sensiblement : le téléphone, l’ordinateur, la télé… Ils jouent tous leur rôle avec grande ampleur. C’est un reflet de nos habitudes : chercher son téléphone dès le réveil, passer des heures devant la télé jusqu’à l’épuisement, mais aussi tout ce qui est liée à la nostalgie, le passé, ou le deuil. Notre protagoniste est seule, loin de sa fille et son ex-mari : elle n’est confrontée à leur image qu’à travers son téléphone et de vieilles photos. Le tout présenté par des images très artistiques, presque surréalistes, ce qui fait considérablement valoir l’esthétique du film.
Le film de Joe Wright est un thriller, un drame, un film à énigme. Mais à jouer l’équilibriste entre ces genres à la corde raide, il se met dans une position des plus risquées. Et pourtant : la trame est bonne et les éléments qui en font la force dramatique sont enrichissants pour la narration et la construction de cette histoire et des personnages qui y gravitent. Il y a une vraie découverte du pourquoi et du comment concernant notre personnage principal et le tout est magnifiquement orchestré par une réalisation qui sublime le moindre ressort dramatique. Comme dans toute énigme qui se respecte, on découvre une autre dimension aux personnages, qui se révèlent plus mystérieux, plus suspicieux… plus coupable.
Un dénouement ridicule
Mais alors que tout semble s’emboiter dans la construction d’un grand film, l’histoire perd toute sa valeur. Lorsqu’il aurait fallut être étonné·e, bouleversé·e, impressionné·e : on se retrouve confus·e et déçu·e. Malgré la volonté de bien faire, le dénouement fait tâche, il est lourd, surchargé. Le tout, appuyé par des dernières scènes d’un cliché désœuvrant.
Le travail sur le dénouement est si peu convaincant qu’il entache l’ensemble de l’histoire, et par effet domino, le film. Malgré les bons éléments c’en devient presque comique, voir absurde… En dépit d’un très bon travail de la part des acteurs tout au long de notre histoire, il semblerait que la fin ne soit simplement pas à la hauteur d’une œuvre filmique. C’est regrettable.
Malgré une excellente réalisation aux enjeux pertinents, La Femme à la Fenêtre nous laisse sur notre faim. Mais ce serait une erreur de ne pas honorer le travail de Joe Wright qui, en terme de réalisation, relève le défi et présente une œuvre à la hauteur de sa réputation. Avec ses quelque compositions surréalistes, son beau travail artistique et son point de vue assumé sur sa modernité, le film est démonstratif d’un beau travail qui malheureusement n’est pas en accord avec sa fin… Pas de cerise sur le gâteau !
La femme à la Fenêtre est disponible depuis le 14 mai sur Netflix.