Le moins qu’on puisse dire c’est que les deux premiers films Wolverine ne sont pas parmi les films de super-héros plus appréciés. Pourtant le mutant griffu, dans l’interprétation qu’en fait Hugh Jackman, reste très populaire et l’annonce du dernier tour de piste de l’acteur australien dans le rôle du X-man canadien avait fait grand bruit. L’envoûtante bande-annonce et la citation de Old Man Logan (mythique comic book de Mark Millar) comme inspiration principale avait suscité un grand émoi chez les fans et fait peser de lourdes attentes sur les épaules de Logan. Alors, ce film est-il à la hauteur de ces promesses ? Est-il un chant du cygne digne de Wolverine ?
Dans un futur proche, un certain Logan, épuisé de fatigue, s’occupe d’un Professeur X souffrant, dans un lieu gardé secret à la frontière Mexicaine. Mais les tentatives de Logan pour se retrancher du monde et rompre avec son passé vont s’épuiser lorsqu’une jeune mutante traquée par de sombres individus va se retrouver soudainement face à lui.
Un sublime road movie comme dernier tour de piste
Ce qui fait briller Logan c’est sa subtilité et sa sensibilité, notamment à travers le traitement des personnages. Nous sommes enfin face à un film qui comprend Wolverine dans toute la complexité de sa dimension tragique. Pas à un seul moment il n’est traité comme un super-héros. C’est un homme torturé et usé par une vie de violence et de massacre, un meurtrier, un sociopathe ou une bête sauvage mais, contrairement à ce que pense le reste du monde, ce n’est pas un héros ou un modèle. Inutile de préciser que Hugh Jackman tient le rôle à la perfection, après toutes ces années Logan et lui ne font plus qu’un.
La seconde tête d’affiche c’est évidemment Patrick Stewart, en roue libre complète en un Charles Xavier gâteux et erratique qui, quand il reprend ses esprits, est troublé par son passé. Cependant, tous mes éloges vont à Dafne Keen, une petite fille de 11 ans dans le rôle quasi muet de Laura (ou X-23), une mutante disposant des mêmes capacités que Wolverine. Elle fait l’étalage de tant de nuances et d’intensité dans son jeu qu’elle volerait presque la vedette aux deux comédiens expérimentés cités précédemment.
Logan joue habilement de la rupture entre cette sensibilité des scènes de drame et les scènes d’action crues, sanglantes, et d’une brutalité rare. Démembrement, décapitation, éviscération, Logan et Laura sont sans pitié. Jamais les combats de Wolverine n’avaient été si violents et viscéraux. On est face à une lutte pour la survie où personne n’a de pitié et où le vainqueur ne peut être que le plus animal. Des scènes d’actions captivantes donc, qui se retrouvent plus violentes que jamais quand elles impliquent X-23, puisque voir cette petite fille innocente de 11 ans massacrer des militaires à tour de bras ne manquera pas de créer chez vous un étrange sentiment, voire de vous bouleverser.
Logan rend clairement hommage aux westerns et aux road movie, ce qui se ressent dans son scénario et son esthétique. La réalisation est élégante, se rapprochant des personnages en intérieur pour jouer sur les émotions et optant plutôt pour des plans très larges en extérieur, écrasant les personnages, minuscules dans les immensités arides des Etats-Unis. Un travail intéressant est également fait sur la lumière qui alterne entre des scènes de nuit très sombres et contrastées avec des couleurs chaude et des scènes plus ternes. Sans révolutionner le cinéma, on sent qu’un réel effort a été fait pour soigner la réalisation de Logan, et c’est appréciable.
Bien que la réalisation soit assez posée, le film jouit d’un excellent rythme grâce au scénario construit comme une fuite inexorable face à des adversaires qui rattrapent les héros chaque fois qu’ils marquent un arrêt. Les temps morts sont donc plus tendus que jamais puisqu’on voit les méchants gagner du terrain. Le film ne traîne pas dans des explications et des expositions sans fin. La plupart des personnages ne sont plus à présenter et les événements entre Logan et les précédents films X-Men sont expliqués indirectement avec beaucoup de subtilité. Enfin Logan aborde des thèmes graves sur les limites de l’individu, la bioéthique, le deuil… Ce n’est pas un film de super-héros principalement tourné vers une action survoltée pour sauver le monde, mais bien un drame profond et engagé.
Quand le Grand Méchant Loup est le héros, y-a-t’il un méchant à la hauteur ?
Bien que réussi le film n’est pas parfait pour autant. On peut lui reprocher des antagonistes un peu faibles: les Reavers, des cyborgs chasseurs de mutants sont complètement sous exploités et c’est surtout le cas de leur chef, Donald Pierce. S’il n’y a pas grande chose à redire sur interprétation de Boyd Holbrook (Narcos, Morgane) et sur le potentiel du personnage dans l’écriture (notamment dans sa manière de se prendre pour le gentil de l’histoire), il n’est absolument pas développé et ne fait pour ainsi dire rien d’autre que de regarder ses hommes se faire massacrer sans opposer une grande résistance. Et cela malgré le gigantesque potentiel qu’offre le fait que ce soient des cyborgs spécialisés dans le meurtre de mutants.
Il en est de même pour l’arme secrète des méchants, sur laquelle tout un mystère pèse pendant une grande partie du film qui se révèle franchement décevante, bien qu’elle permette des scènes d’action très intéressantes.
On peut aussi attaquer Logan sur son dernier acte, trop prévisible et plus proche des films de super-héros plus classiques. Le film perd son ancrage dans le réel en cédant à la fièvre de l’epicness à tout prix. L’espace d’un instant on craint pour le film, mais la fin est à la hauteur des enjeux dramaturgiques installés précédemment et rattrape largement ce bref cafouillage.
Logan est donc un des meilleurs, si ce n’est le meilleur, des dix films de la saga X-Men. Le film prend de la distance avec le matériau d’origine en proposant une histoire complètement inédite avec des personnages assez différents de leurs homonymes des comics, et c’est pour le mieux. C’est un film mature, intense, poignant, à l’esthétique travaillée et à la conclusion digne de Wolverine et de Charles Xavier, en tout cas sous les traits de Hugh Jackman et Patrick Strewart. La licence X-Men est pour les deux acteurs comme la route dans Logan : il n’y a plus de place pour eux au bout du chemin, mais une nouvelle génération est là pour assurer la relève.