Après un long confinement éloigné de nos salles obscures, quoi de mieux qu’un road movie pour retrouver la route des cinémas ? Et pas n’importe lequel, car Richard Wong nous emmène à travers un voyage inédit : celui de la fin de la virginité pour trois amis américains en situation de handicap, en route vers un bordel québécois : le Château Paradis.
Tiré d’une histoire vraie elle même adaptée en film par le réalisateur belge Geoffrey Enthoven avec son Hasta la Vista, ce remake indépendant n’a rien à envier aux grands succès de la comédie américaine. Malgré sa bande-annonce bien trop proche d’un ersatz de Very Bad Trip, Mission Paradis traite avec légèreté et bienveillance de la sexualité en situation de handicap. Sillonnant la route de la comédie sans tomber dans la moquerie.
Trois jeunes adultes décident de partir dans une aventure rocambolesque pour connaitre leur première fois dans une maison close de Montréal. Rien ne pourra faire capoter la mission, pas même leur handicap…
Rire avec bienveillance
Problématique rare et plutôt tabou dans le cinéma comme ailleurs, Richard Wong s’y attelle pourtant avec subtilité et précision et nous offre quelques tranches de rires bien menées, à base de blagues plus ou moins graveleuses et de situations délicates.
La force du film prend ses racines dans l’entre-aide de ce groupe où chaque individualité réussit à gravir l’impossible. Il y a Scotty, le jeune tétraplégique se rêvant rappeur, Mo, le sage aveugle, et Matt l’ancien sportif paraplégique. Autant variés dans leurs handicaps que dans leurs personnalités, ce groupe filmé sous l’œil bienveillant de Richard Wong va se lier d’une amitié tout en sensibilité. Au cours de ce périple, qui nous offre une belle leçon de solidarité, ils croiseront le chemin de Sam (interprétée par la sublime Gabourey Sidibe) ex-infirmière qui n’a pas sa langue dans sa poche. Un élément perturbateur qui peut paraître superficiel et attendu, mais qui va venir chambouler les a priori de nos protagonistes et les nôtre, par la même occasion. Sam brise tous les tabous et la pudeur existante vis-à-vis du sujet, une véritable prouesse qui nous fait jongler de la larme au coin de l’œil jusqu’au coin du sourire.
Petit budget, grand casting
On peut pourtant s’interroger sur le choix des rôles principaux, car au vu des thèmes et du message abordé avec Mission Paradis, l’absence d’acteur atteint d’un handicap semble en désaccord avec tout ce que le film entreprend. Pour pallier cela, Richard Wong a travaillé main dans la main pendant plusieurs mois avec Asta Philpot, dont le film raconte l’histoire, et avec des associations et hôpitaux spécialisés. Conscients de la responsabilité d’incarner des personnages en situation de handicap, l’ensemble du casting porte avec précision ce message de bienveillance et de différence. On regrettera tout de même l’absence de traitement du côté féminin de la thématique, à travers un unique personnage rapidement relayé au second plan.
Malgré tout, en mêlant habilement cette histoire vraie à une réalisation intime et aérienne, le film cherche constamment à interroger le spectateur. L’ensemble est un dangereux jeu d’équilibriste réussi, mêlant le succès des grandes comédies Hollywoodiennes au film d’auteur social et générateur d’empathie. Car si le long-métrage peut effectivement évoquer Very Bad Trip dans son approche à la testostérone omniprésente, Richard Wong l’amène dans une direction inattendue, plus humaine et universelle. Un pari qui fonctionne grâce à la complémentarité de ses acteurs et actrices, et des codes du genre qu’il manie à la perfection pour rompre nos attentes.
Consciencieux, Richard Wong met tout son coeur dans Mission Paradis et nous offre une comédie qui ne tombe jamais dans le cliché ou la moquerie. Jonglant entre rires et larmes, le spectateur est embarqué dans une aventure en forme d’ouverture du cinéma américain sur des sujets plus complexes et intimes. L’ensemble est réussi : informer avec respect sur un sujet hautement tabou aux yeux du public, le tout avec douceur et humour.