Critique de Promising Young Woman

Un film de
Emerald Fennell
Sortie
26 mai 2021
Diffusion
Cinéma

Présenté au festival de Sundance en janvier 2020, le premier film d’Emerald Fennell n’a pas attendu ses différents reports dus à l’épidémie de covid-19 pour se construire une réputation subversive. Et par la même occasion, lancer une machine de communication réglée au millimètre comme seul Hollywood en est capable. Un an plus tard, le 25 avril 2021, c’est la consécration : son travail de scénariste est auréolé de l’oscar du meilleur scénario original.

Cet emballement autour de la réputation de Promising Young Woman précède les intentions de la scénariste-réalisatrice qui joue beaucoup sur les codes du rape and revenge pour les déconstruire, tout en subtilité. Une approche assumée qui en laissera plus d’un·e sur le côté.


Tout le monde s’entendait pour dire que Cassie était une jeune femme pleine d’avenir…jusqu’à ce qu’un évènement inattendu ne vienne tout bouleverser. Mais rien dans la vie de Cassie n’est en fait conforme aux apparences : elle est aussi intelligente que rusée, séduisante que calculatrice et mène une double vie dès la nuit tombée. Au cours de cette aventure passionnante, une rencontre inattendue va donner l’opportunité à Cassie de racheter les erreurs de son passé.

Le poids du passé

Alors que les nouveaux réalisateurs et réalisatrices ont une propension à exagérer leur style ou au contraire du mal à s’affirmer pour leur premier film, quel plaisir de voir Emerald Fennell arriver à équilibrer cela. Une qualité qu’aura remarqué l’Académie des Oscars en lui offrant le statut de première réalisatrice britannique nommée pour le prix dans cette catégorie. Jeux de couleurs pop, plans constamment maîtrisés sachant évoluer dans les différents genre du film : il y a un véritable plaisir à la mise en scène qui se ressent et qui ne se laisse pas dépasser par un sujet difficile au traitement audacieux. Le fait que le scénario comme la réalisation soit du fait de Fennell apporte cohérence et ampleur à Promising Young Woman et c’est suffisamment rare dans une première réalisation pour le faire remarquer.

Mais ce qui marque aussi la trajectoire d’exception du film ne saurait mieux s’expliquer que par un scénario nuancé. Pas dans son propos, qui ne laisse aucun doute sur l’avis de la créatrice sur les enjeux, mais sur les éléments de narration : rien n’est sur-expliqué, dans les révélations comme dans les détails qui rattachent Cassandra, le personnage principal, à sa regrettée Nina. Les personnages sont palpables de réalisme à l’image de ladite Cassandra, meurtrie, au bord de l’implosion, portée par une Carey Mulligan brillante. Sa relation avec Ryan (Bo Burnham) d’une grande justesse, apporte au long-métrage un nouvel angle narratif. Angle qui trouve tout son sens dans un final qui, s’il rompt le ton mesuré adopté jusqu’alors, a le mérite de son empreinte symbolique faisant écho à l’ensemble de l’histoire.

Merie Weismiller Wallace / Focus Features

Seule contre tous

Évoluant du thriller à la quasi comédie romantique avant de revenir au thriller, Promising Young Woman n’est pas un coup de point jubilatoire et n’a pas l’impertinence qu’on lui prête, sans que cela soit négatif. Le film a cette particularité par rapport au sous-genre du rape and revenge dans lequel il a pu être formellement rattaché, au-delà du fait de ne pas montrer de scène de viol, de ne pas chercher la catharsis. Certes, l’aspect vengeur est omniprésent et guide le personnage principal, mais la démarche auprès des spectateurs et spectatrices est radicalement différente. Loin d’une émulsion de violences d’une héroïne devenue une machine de guerre, Cassandra est traumatisée, seule dans sa quête et il s’agit plus d’un devoir pénible qu’elle s’impose que d’une prise de pouvoir. Par ailleurs, la réaction des personnages qu’elle rencontre dans cette tâche qu’ils ou elles soient bourreaux, témoins ou simplement ses proches ne fait que le confirmer : il n’y a qu’elle qui souffre et veut encore penser à ce qu’il s’est passé. Ainsi, Fennell veut plus hanter son public qu’elle ne veut le satisfaire, et c’est bien volontaire. Mais profondément douloureux.

Objet pop au scénario et à la réalisation exceptionnels en particulier pour un premier long-métrage, Promising Young Woman mérite ses multiples nominations et récompenses. Pourtant, il ne mérite pas pour autant la réputation sulfureuse qu’on lui prête : faisant entièrement confiance à son casting et particulièrement à son actrice principale Carey Mulligan, il est un récit mené par une grande tristesse, une frustration aussi violentes pour son héroïne que les victimes de sa vengeance. Sans pourtant avoir un regard modéré ou moralisateur : c’est au contraire un film radical qui interpelle son public sans lui laisser le bénéfice du doute. Brillant.

4

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