Critique de Relic

Reconnaître les siens

Un film de
Natalie Erika James
Sortie
7 octobre 2020
Diffusion
Cinéma

Premier long-métrage de la réalisatrice nippo-australienne Natalie Erika James, qui a déjà de nombreux court-métrages primés à son actif, Relic est également l’adaptation de l’un de ces formats court : Creswick, réalisé en 2016.

Sélectionné à Sundance, ce drame intergénérationnel qui tombe peu à peu dans l’horreur pur se présente comme une métaphore des maladies dégénératives et confronte le spectateur au tabou de la fin de vie.

Lorsqu’Edna, la matriarche et veuve de la famille, disparaît, sa fille Kay et sa petite-fille Sam se rendent dans leur maison familiale isolée pour la retrouver. Peu après le retour d’Edna, et alors que son comportement devient de plus en plus instable et troublant, les deux femmes commencent à sentir une présence insidieuse dans la maison. Edna refuse de dire où elle était, mais le sait-elle vraiment ?

Perdre ses repères

De récents films d’horreur ont tenté d’insuffler un peu de répit en termes de rythme par rapport aux grandes productions Blumhouse, plus calibrées pour un public en recherche de sensations fortes. Pourtant, force est de constater que c’est un gros risque qui peut faire tomber l’œuvre final dans la lourdeur, voire l’ennui. C’est un constat malheureusement vrai pour des long-métrages qui avaient plus de points positifs sur d’autres facettes mais que ce problème venait parasiter au détriment de l’ensemble. C’est donc avec un soulagement non dissimulé que Relic évite cet écueil grâce à une technique peut-être évidente mais efficace : la maîtrise de ses plans. Si le drame est omniprésent et constitue l’essentiel du film, les plans choisis sont constamment dérangeants. Une bougie couleur chair et rouge coupée au couteau, un cil recourbé en gros plan deviennent, dans l’atmosphère du film, autant de touches de malaise qui prolongent l’angoisse après les véritables moments horrifiques. Que le spectateur s’en rende compte ou non, il n’est pas possible d’échapper à cette suggestion constante et malsaine.

Évidemment le sound design n’est pas en reste. Si l’utilisation de la musique reste très mesurée afin de laisser libre cours aux émotions du spectateur, une place prépondérante est offerte aux sons. Tout comme le comportement d’Edna que l’on ne saurait qualifier d’inquiétant ou de dramatique, les bruits incessants qui accompagnent cette vieille maison de bois en pleine campagne australienne peuvent tout signifier. Simple craquement ou menace qui approche ? Est-ce vraiment Edna que l’on entend grogner à l’étage ? Là aussi, la réalisatrice ne nous laisse pas choisir entre angoisse et moment de répit.

Portrait de famille

Mais tout ceci ne serait qu’artifices sans la performance du trio d’actrices qui constitue chaque pan de cette famille à l’agonie, composé de Emily Mortimer (The Party), Bella Heathcote (The Man in The High Castle) et de la comédienne de théâtre Robyn Nevin. Cette dernière, à la fois personnage mais également élément central du long-métrage, offre une performance troublante et touchante, dans une justesse constante qui ne pouvait mieux accompagner la narration toute en nuance du film. Car certes, l’horreur est souvent un terrain de jeu pour le spectateur qui vient volontairement, comme dans une attraction, se faire peur pour se sentir mieux une fois tout cela fini, dans sa pure fonction cathartique. Mais Relic, jusque dans son final, nous rappelle constamment le drame qui se joue sous nos yeux et jusqu’au bout, mêle l’empathie à la peur. Un angle d’approche qui pourrait être résumé par les mots de la réalisatrice : « Il est bien pire de pleurer la perte d’une personne qui est toujours en vie »

À la fois inquiétant et tragique, Relic fait un portrait glaçant de la vieillesse. Par un savant équilibre entre une mise en scène soutenue et la place laissée à son trio d’actrice, Natalie Erika James s’inscrit parfaitement dans cette nouvelle génération de réalisateur·rice·s de films horrifiques prometteuse. Un tour de force.

4

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