Édito : il était une fois une révolution

Alors que nous entamons fébrilement une nouvelle année et la décennie qui l’accompagne, le fameux Monde d’après semble pointer le bout de son nez. Brandi comme un inévitable futur digne de l’imagination de Roland Emmerich, le concept derrière cette phrase toute faite – aux intentions louables – ne semblent pourtant pas perdurer outre mesure une fois nos habitudes bousculées. Perdue au milieu de cette guerre des pensées : la culture. Elle qui s’est vue utilisée de tous bords pour défendre mille et une causes.

Mais la culture se revendique-t-elle ? Si l’on s’en tient à sa définition, elle nous caractérise nous, en tant que groupe. Elle est ce terreau commun sur lequel nous construisons nos pensées. Mais ne soyons pas dupes, la culture comme nous la vivons et la partageons aujourd’hui est avant tout un marqueur d’appartenance social fort avant d’être une passion qui nous rassemble. Pourtant, le développement d’internet et des communautés a contribué à la démocratisation de bien des habitudes. Combien de films, de livres, et d’albums ont connu une deuxième jeunesse à l’heure des forums et autres blogs ? Évidemment, ce phénomène n’est pas nouveau et n’a pas eu besoin d’internet pour exister, mais la puissance d’un tel outil a participé à construire ces passerelles de partage et de connaissances.

C’est donc bien naïvement que le 29 janvier 2016 nous avons lancé Erreur42.fr , sans grande prétention ni véritable plan de carrière. Le site s’apparentait alors plus à un projet de lycéens geek qu’a un média digne de ce nom. Pourtant, propulsé par la puissance d’internet, le site s’est vite transformé pour ressembler à ses rédacteurs. A la croisée de nos parcours et de nos aspirations, il est devenu la vitrine de nos humeurs et de nos coups de cœurs. Il a connu ses heures de gloire et de nombreuses plumes y sont passées. Difficile de ne pas évoquer les couvertures du festival de Cannes et d’Annecy qui ont concrétisé et symbolisé nos objectifs les plus fous.

Mais quatre ans se sont écoulés et le paysage cinématographique a connu sa plus grande révolution depuis l’apparition de la télévision dans les foyers américains. En 2016, les salles françaises combinaient 213 millions d’entrées, leur deuxième meilleur résultat en 50 ans. En 2020, les entrées culminent à 65 millions. Avec plus de 160 jours de fermeture pour les cinémas, la crise sanitaire est partout : elle nous écrase et son importance dans les médias en ferait rougir un cadre de parti. Il est encore tôt pour en appréhender avec certitude les conséquences, mais il est de notre responsabilité de porter dès à présent les réflexions qui nous permettront ensemble de repenser notre rapport collectif aux œuvres. Car si les inégalités de notre société se sont profondément aggravées, cette crise nous a surtout mis face, sans distinction, à la fatalité de notre univers proche.

Il est probablement là notre Monde d’après, dans le constat que notre mode de vie, ici culturel, n’est pas aussi solide qu’il n’y paraît. Ce poids que nous avons porté collectivement présage une révolution profonde dans les années à venir. Cette responsabilité qui semble si lourde et abstraite est finalement à la portée de chacun. Malgré ses aspects industriels, le cinéma reste un art populaire incarné par son public. Il vit de ces souvenirs et de ces expériences partagées : sur les sièges drapés de velours rouge comme au coin d’un canapé. Il nous semblait essentiel de participer à la construction de ce Demain, et c’est dans ce but que nous avons décidé de réinventer le site que vous lisez ici-même. Car si la culture ne se revendique pas, elle se partage, elle se discute et c’est dans l’esprit de chacun qu’elle trouve sa place pour y faire germer ses idées.

En vous souhaitant la plus belle des années, et en espérant que Toile Obscure vous accompagnera à travers ce voyage pour éclairer le cinéma.

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