Cannes 2018 : Critique de Dogman

Un film de
Matteo Garrone
Sortie
11 juillet 2018
Diffusion
Cinéma

Récemment, si on vous parle d’un film avec des chiens, vous penserez certainement au dernier film de ce cher Wes Anderson. Des chiens mignons, amicaux et amusants. Mais aujourd’hui, oublions les jolies couleurs, et place à la violence et aux couleurs ternes du sud de l’Italie. En résumé, un monde de chiens.

Matteo Garrone a en effet pondu cet année un film âpre et sombre : Dogman. Présenté en compétition à Cannes, le film est surtout reparti avec le prix d’interprétation masculine pour Marcello Fonte, prix amplement mérité… Peut-être aussi le seul où il distançait autant la concurrence…

Dans une banlieue déshéritée, Marcello, toiletteur pour chiens discret et apprécié de tous, voit revenir de prison son ami Simoncino, un ancien boxeur accro à la cocaïne qui, très vite, rackette et brutalise le quartier. D’abord confiant, Marcello se laisse entraîner malgré lui dans une spirale criminelle. Il fait alors l’apprentissage de la trahison et de l’abandon, avant d’imaginer une vengeance féroce…

Que peut-on dire de Dogman ? Déjà, que le pari du thriller à l’italienne est réussi, et haut la main. La peur constante du personnage principal transpire par tous les pores de la réalisation, amenant le spectateur dans ce monde brutal et sans pitié. La caméra à l’épaule, presque omniprésente, nous fait haleter à chaque mouvement de Simoncino, plus proche du bulldog que de l’homme. Une réalisation qui sait aussi se poser dans les rares moments de calme que le scénario permet, s’adonnant à de longs plans contemplatifs sur l’horizon.

La photographie suit très bien le propos et nous montre des plans étonnamment esthétiques dans cette cité fade et sale. Les couleurs sont grises, comme pour nous montrer l’absence de saveur de la vie de Marcello. On pense particulièrement à ces longs panoramiques sur la cité, la mer et la moto de Simoncino qui tourne en rond devant les enfants qui jouent au ballon.

En fin de compte la réalisation ne fait pas de prouesses pour autant. Ce qui marque dans Dogman, ce sont ses acteurs. Le duo Marcello Fonte et Edoardo Pesce est tout simplement excellent. Fonte est constamment dans cette attitude craintive, comme si une épée de Damoclès lui flottait au dessus de la tête. Pesce est en revanche la force brute, bête et méchant. Tout le propos du film se trouve en fait dans son titre. Il est question d’un monde de chiens et de la dualité de l’animal : servile ou bestial. Toute la réflexion de Dogman va s’opérer sur cet inversement de valeurs sur le personnage de Marcello, obligé de devenir un vrai « chien » pour s’en sortir.

La musique enfin, pas spécialement mémorable, a le mérite de ne pas s’incruster dans les scènes de tension pour laisser l’ambiance âpre s’installer. On ne le répétera jamais assez mais une bonne B.O. ce n’est pas seulement de bonnes partitions, c’est aussi leur bonne utilisation.

Dogman est donc une réussite. Sans être un chef-d’œuvre, ce thriller est cohérent, bien réalisé et surtout porté par ses acteurs. Il se démarque aisément du reste de la sélection cannoise, marquée de films à résonance sociale ou politique. Ici, le sous-texte social est bien présent, mais s’immisce avec bien plus de subtilité, pour finalement s’avérer très efficace. Dogman connait quelques points de flottement, notamment lorsque la spirale de violence engendrée par Simoncino commence à se faire redondante. L’expérience passée devant le film n’en reste pas moins intéressante, et reste un bon exemple de ce que va proposer (et propose déjà) la nouvelle génération du cinéma italien, qui a grandi dans les problématiques de cette Italie divisée en deux : le nord, aisé et glamour et le sud, rural et précaire…

3.5
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