Critique de Malcolm & Marie

Un film de
Sam Levinson
Sortie
5 février 2021
Diffusion
Netflix

Sam Levinson, célèbre pour la série Euphoria dont il est le showrunner et réalisateur de la majorité des épisodes, s’immisce de plus en plus dans le cinéma. Outre la co-écriture d’Operation Endgame et la réalisation d’Another Happy Day et Assassination Nation, il a produit Pieces of a Woman, une des dernières sorties Netflix. Quelques semaines plus tard, le cinéaste refait surface sur la plateforme pour nous proposer un drame en noir et blanc.

La crise du COVID-19 n’aide pas les cinémas mais complique également de nombreux tournages. Entre les normes sanitaires et la peur de contaminations pouvant retarder des prises de vue, réaliser et sortir des films devient un véritable casse-tête. Et pourtant, c’est dans ce contexte très compliqué que le réalisateur américain a redoublé d’efforts : deux épisodes spéciaux pour sa série Euphoria, ainsi qu’un long-métrage dont le pitch et le tournage ont « profité » du confinement.

Après la projection en avant-première de son dernier film, un cinéaste rentre chez lui avec sa petite amie. Alors qu’il est certain que son film rencontrera un succès critique et commercial, la soirée prend une tournure inattendue : les deux amoureux doivent affronter certaines vérités sur leur couple qui mettent à l’épreuve la force de leurs sentiments…

Je t’aime… moi non plus

Dès les premiers instants nous pouvons percevoir un mal-être dans ce jeune couple, une tension on ne peut plus palpable. Sans user de dialogues pompeux, le réalisateur place ses personnages dans des recoins et se sert de son décor pour créer une distance. Similaire à l’ouverture de Taipei Story, le couple est isolé, coupé en deux. Les amants s’attirent et se rejettent comme deux aimants dans des déambulations de théâtre filmé. Malheureusement, la subtilité modeste et calme de cette ouverture va rapidement disparaître.

La distance pudique installée par la caméra à l’extérieur de la villa part à vau-l’eau dès l’instant où l’on pénètre dans le domicile et les névroses du couple. Tout n’est que cris et disputes soporifiques, installant une structure répétitive et lassante. Le schéma narratif est donc similaire à un match de football durant lequel le spectateur compte les points que marquent chacun des personnages. Plaisant au départ, la structure « dispute, apaisement, dispute » finit par lasser. D’autant plus qu’il est dommage de voir deux acteurs vociférer quand leurs instants de colère froide et retenue sont bien plus puissants.

Beau mais vide

Une photographie sublime ne fait pas tout ! Malheureusement, celle de Malcolm & Marie se veut travaillée et esthétique mais finit par être un vulgaire tape-à-l’œil ne renforçant en rien le propos. Du noir et blanc pour montrer la perte de vitesse du couple ? Leurs échanges endiablés, teintés d’un rapport amour-haine inébranlable, indiquent au contraire une idylle haute en couleur et volcanique, qu’une photographie très colorée aurait illustré à merveille. Ici on frôle les poncifs du cinéma indépendant d’avant-garde dont la forme n’aide pas le fond…

Pire encore, Sam Levinson veut proposer un questionnement profond sur les torpeurs d’un couple, doublé d’une réflexion sur le septième art et les motivations d’un réalisateur. Le film n’atteint ni l’un ni l’autre et s’enfonce dans un pathos inutile. Eyes Wide Shut parvenait à installer une ambiance sensuelle et anxiogène avec brio, en remettant en cause des relations que l’on pense acquises. Malcolm & Marie veut en être la continuité mais échoue malgré les citations poussives de classiques du genre (Le Lauréat, Taipei Story, Eyes Wide Shut…).

L’intention était là, sans le résultat. Sam Levinson reste prisonnier de son concept, et les conditions de tournage en plein confinement finissent par épuiser son film. Même si la première demi-heure fonctionne à merveille, la redondance laisse à penser qu’un court-métrage aurait suffit. Outrancier dans ses disputes, tape-à-l’œil dans son esthétique, Malcolm & Marie reste finalement un bel emballage ne contenant aucun cadeau. Le plus gênant reste les critiques soulevées par les personnages qui s’appliquent parfaitement au film dans lequel ils jouent. Le réalisateur ne propose rien de nouveau tout en donnant l’impression qu’il pense inventer l’eau chaude… Dommage, car l’idée et le concept pouvaient apporter bien plus.

Malcolm & Marie est disponible depuis le 5 février sur Netflix.

2.5

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