Critique de Mort sur le Nil

Un film de
Kenneth Branagh
Sortie
9 février 2022
Diffusion
Cinéma

Alors que le Mort sur le Nil de John Guillermin fêtera bientôt son demi-siècle, Kenneth Branagh signe une nouvelle adaptation de l’une des œuvres les plus cultes de la reine du crime, Agatha Christie. Cinq ans après avoir arboré la cultissime moustache d’Hercule Poirot dans Le Crime de l’Orient Express, le britannique renouvelle l’expérience du whodunit (littéralement, « Qui l’a fait ? ») pour une croisière mouvementée sur le Nil. Panorama de rêve pour un casting cinq étoiles : tout semblait annoncer une excursion sans accrocs, et pourtant…

Au cours d’une luxueuse croisière sur le Nil, ce qui devait être une lune de miel idyllique se conclut par la mort brutale de la jeune mariée. Ce crime sonne la fin des vacances pour le détective Hercule Poirot. A bord en tant que passager, il se voit confier l’enquête par le capitaine du bateau. Et dans cette sombre affaire d’amour obsessionnel aux conséquences meurtrières, ce ne sont pas les suspects qui manquent ! S’ensuivent une série de rebondissements et de retournements de situation qui, sur fond de paysages grandioses, vont peu à peu déstabiliser les certitudes de chacun jusqu’à l’incroyable dénouement !

La croisière sature

Longtemps repoussé à cause de la crise sanitaire, Mort sur le Nil voit enfin le jour. Mais ce n’est pas la première fois que le cinéma s’attaque à ce monument du roman policier. En 1978, sous la houlette de John Guillermin, un regroupement de stars (David Niven, Mia Farrow, Maggie Smith, Jane Birkin…) montait à bord du Karnak et retrouvait Peter Ustinov dans la peau du célèbre détective Hercule Poirot. Pour cette version 2022, on ne change pas un procédé qui gagne : l’histoire reste la même, seules les têtes d’affiches changent. Moins prestigieux que son prédécesseur, le casting de cette nouvelle adaptation reste tout de même plutôt alléchant avec, entre autres, Gal Gadot, Armie Hammer, Emma Mackey et évidemment Kenneth Branagh qui campe un Hercule Poirot plus torturé que jamais.

Pourtant, malgré la richesse et la diversité de son casting, le film ne semble jamais vraiment capable de construire de véritables identités à ses personnages, ce qui est pourtant l’essence même d’une bonne histoire d’Agatha Christie. La faute à un traitement original, mais bien trop omniprésent du personnage de Poirot. Comme dans Le Crime de l’Orient Express (2017), Branagh souhaite placer le personnage du détective à moustache au centre de son histoire, là où celui-ci n’était habituellement que simple spectateur des péripéties, notamment dans la première adaptation de Guillermin. A travers cette auto-glorification, il en profite pour donner un peu plus de profondeur au personnage, tout en continuant à s’offrir les plus grand moments de bravoure de son film.

© Walt Disney

Qu’allions nous faire dans cette galère

Bien que légitime et souvent utile au récit, comme le démontre la scène d’introduction en noir et blanc plutôt bien orchestrée, le film semble vite oublier que son histoire ne tourne pas autour d’un seul et même personnage. Trop occupé à se regarder jouer, Branagh alourdit également son récit de sous-intrigues futiles. Ralenti par celles-ci, le film peine à arriver jusqu’au fameux premier meurtre et passé celui-ci, il semble rapidement manquer de temps pour nous offrir une enquête convaincante. Le scénario de Michael Green (déjà présent sur Le Crime de l’Orient Express) peine à rester lisible, tant sa construction repose sur un ensemble complètement déséquilibré.

Mort sur Nil reste néanmoins à rester divertissant, notamment lorsque la mise en scène parvient enfin à se renouveler. Bien que jamais révolutionnaire, la caméra de Kenneth Branagh nous offre tout de même quelques belles fulgurances. Malheureusement, il est difficile de se satisfaire de ces rares moments de plaisir, d’autant plus lorsque le long-métrage vient nous agresser la rétine avec des visuels bâclés. Dites adieux aux splendides décors naturels de l’adaptation de 1978 et faites place à des fonds verts désastreux et des effets spéciaux à la limite de l’acceptable. Avec un budget de 90 millions de dollars, ces lacunes sont d’autant plus inadmissibles pour un film de cette ampleur.

Souffrant de la comparaison constante avec la première adaptation de 1978, Mort sur le Nil est une œuvre banale dont les rares folies créatives ne parviennent jamais à insuffler un nouveau souffle à une œuvre déjà culte. Les adeptes de l’œuvre originale ne trouveront que peu de choses à se mettre sous la dent, tandis que les novices passeront sans doute un moment aussi divertissant que rapidement oubliable.

2.5

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