Dix-huit ans après Haute Tension, Alexandre Aja revient enfin en France après de glorieuses années passées à l’étranger (La colline a des yeux, Piranha 3D, Horns…). Avec Oxygène, il signe sa première collaboration avec Netflix, et nous offre un huit-clos énigmatique où une jeune femme amnésique se retrouve enfermée dans une unité cryogénique.
Tourné en plein confinement, Oxygène est également l’occasion de retrouver Mélanie Laurent en étroite colocation avec Mathieu Amalric, intelligence artificielle à la voix terriblement monotone. Cependant, le thriller claustrophobique a déjà été traité à de nombreuses reprises au cinéma (Buried, Cube, Tunnel…), et Aja a donc la lourde tâche d’innover et d’aller au-delà de son concept de base, tout en tenant son spectateur en haleine avec seulement quelques mètres carrés de décor.
Une jeune femme se réveille seule dans une unité cryogénique. Elle ne sait plus qui elle est, ni comment elle a pu finir enfermée dans une capsule de la taille d’un cercueil. Tandis qu’elle commence à manquer d’oxygène, elle va devoir recomposer les éléments de sa mémoire pour sortir de ce cauchemar.
Confinement pensé
Premier scénario de Christie LeBlanc, Oxygène traîne depuis 2016 dans la fameuse Black List, l’orphelinat du cinéma où les scénarios les plus appréciés attendent patiemment l’adoption par un studio pour éclore au grand jour. Alexandre Aja a gravité pendant plusieurs années autour du projet, passant de producteur à réalisateur en raison de la pandémie. Epaulé par une équipe intégralement française, il nous offre finalement un nouveau film ingénieux et intelligemment mis en scène, mais qui peut rapidement tomber dans le piège de son propre concept. En effet, la problématique d’un film comme Oxygène est de captiver son spectateur en renouvelant continuellement son idée de base pendant plus d’une heure et demie, et tout cela dans un décor minimaliste au possible.
Comme il a su le prouver depuis le début de sa carrière avec ses nombreux remakes (La colline a des yeux, Piranha 3D…), Alexandre Aja sait parfaitement dépasser son matériau d’origine pour produire une œuvre originale et créative. La diversité offerte par sa réalisation permet au film d’échapper à une certaine monotonie narrative qui aurait pu facilement endormir son spectateur. Le puzzle menant au dénouement final est subtilement installé tout au long du récit, offrant au spectateur de véritables moments oniriques, tout comme des instants de tension brillamment mis en scènes (rythmés par cette terrifiante jauge d’oxygène qui s’épuise peu à peu…). Vient s’ajouter à cela le montage de Stéphane Roche qui agrémente le film de flashbacks pour permettre au spectateur de reconstituer tant bien que mal la vie bien mystérieuse de Elizabeth Hansen, captive dans une sinistre unité cryogénique.
Guide de survie en milieu réduit
Bien loin de se résumer à un simple gadget scénaristique, la capsule est l’élément central d’Oxygène. Conçu par le chef décorateur Jean Rabasse (à qui l’on doit notamment les décors des films de Jeunet et Caro), l’unité cryogénique trouve son utilité au fil du récit, passant d’une simple prison high-tech au véritable élément déclencheur des péripéties à venir. Cet intérêt apporté au développement d’un décor multifonction (le caisson étant parsemé de multiples écrans) pourra néanmoins atténuer la sensation d’étouffement chez le spectateur, comme l’avait fait astucieusement Buried il y quelques années en optant pour un simple cercueil en bois en piteux état. Cependant, cette complexité permet au décor de devenir un véritable ennemi à anéantir, notamment lorsqu’un bras mécanique souhaite vous injecter un liquide peu recommandable…
Oxygène se permet même de délaisser son statut de survival pour aborder des questions existentielles par le prisme de la science-fiction. Véritable ascenseur émotionnel, le film nous offre des moments de surprises extrêmement ambitieux qui diviseront certainement, tant leur arrivée marque un changement majeur et inattendu pour la suite de l’histoire. Si certains tournants scénaristiques semblent fragiles de par leur radicalité, il est indéniable que le nouveau film d’Alexandre Aja est porteur d’immenses ambitions.
Tout comme dans son précédent film Crawl, Aja filme une héroïne luttant pour sa survie. Cette fois-ci, c’est une excellente Mélanie Laurent qui se retrouve à devoir économiser son souffle face à une intelligence artificielle incarnée par la voix monocorde de Mathieu Amalric. Force est de constater que le duo fonctionne à merveille, le film représentant l’humanité dévorée par ses émotions face à une glaciale technologie robotique. Cette idée est d’ailleurs sublimée par les compositions toujours aussi inspirées de l’artiste Rob.
Oxygène est une belle petite pépite du catalogue Netflix. Porté par une impeccable Mélanie Laurent, le film est un thriller labyrinthique qui parvient à captiver son spectateur sans jamais le perdre. S’appuyant sur le brillant scénario de Christie Leblanc, Alexandre Aja nous livre un divertissement ambitieux et rondement bien mené. Mais une chose est sûre : Oxygène ne nous fera définitivement pas regretter le confinement, tant il fait écho à la situation des mois passés, et à venir.
Oxygène est disponible depuis le 12 mai sur Netflix.