Critique de Wild Men

Un film de
Thomas Daneskov
Sortie
24 août 2022
Diffusion
Cinéma

La vie de nos jours peut être profondément barbante. Le travail de bureau, les quittances de loyer, l’école des enfants… Pour certains, cette surcharge et cet ennui de la vie contemporaine peut devenir trop. Tant et si bien qu’ils se retrouvent à regretter le temps ancien. Celui des haches rouillées, des pillages, de la peste et des armures en peaux. Oui, affronter la crise de la quarantaine comme un vrai viking brave et couillu (ou comme un enfant déguisé pour Mardi gras), c’est le thème de Wild Men, nouveau film du jeune réalisateur danois Thomas Daneskov. Et ça donne une comédie loufoque et originale.

Martin, en route pour un séminaire, décide dans un moment de folie de tout quitter et d’aller vivre comme ses ancêtres il y a des milliers d’années, avant que les supermarchés et smartphones ne viennent tout gâcher. Sa route croise celle de Musa, un fugitif blessé, recherché par les autorités mais aussi par ses anciens complices. Leur odyssée les mènera aux confins de la forêt norvégienne, à la rencontre de policiers désœuvrés, de vikings, d’un lapin épris de liberté, et de truands éclopés.

No Country for Old Vikings

Wild Men est construit autour d’une structure assez répandue de road trip course-poursuite, entre No Country for Old Men et Bonnie and Clyde. Grâce à des personnages assez bien caractérisés, se monte une comédie plutôt rafraîchissante. Toutes les blagues ne font pas mouche et certaines scènes s’étendent dans une surenchère embarrassante qui vient gâcher le rythme, mais les fulgurances absurdes comme le braquage de supérette à l’arc et à la hache rattrapent largement ces couacs. Ces moments comiques doivent beaucoup aux acteurs tous très justes et dévoués, autant aux moments ridicules qu’aux éclairs de sincérité.

En plus de la comédie, Wild Men use aussi des codes du thriller, amenant une tension et surtout une violence bienvenue pour servir son propos sur la masculinité sous ses formes modernes ou archaïques. La double menace de la police et des voyous en colère à la poursuite de nos héros maintient cette tension, et les confrontations poussent nos personnages dans leur derniers retranchements et force leur développement à s’exprimer dans l’urgence.

© Jonatan Mose

La violence est une question centrale du film : en cherchant à fuir l’ennui du quotidien, Martin se retrouve confronté à une brutalité qui n’était pas étrangère aux hommes d’antan dont il rêve tant. C’est sûrement le thème le plus intéressant du long-métrage qui passe en fait un peu à côté de son propos. Car le film touche du doigt, et échoue de peu, quelque chose de vraiment phénoménal : la construction de masculinités contemporaines est opposée à des mythes d’hommes du passé. Le film part de cette intention et explore partiellement ces thèmes, et l’incompatibilité entre Martin et son fantasme, mais rate complètement le sens politique plus large. Comme The Northman, Wild Men refuse d’adresser la récupération de l’imagerie viking et paganisme par l’extrême-droite. Toutes les pièces du puzzle sont en place pour critiquer cette imaginaire réactionnaire, mais non. À la place, le film ne moque que la commercialisation de cette nostalgie et fait quand même de Martin une sorte de héros décalé dans un final complètement à côté de la plaque. 

À la fin de l’été, Wild Men arrive après la bataille. Film amusant et touchant par moment, il aurait été parfait pour un moment familial et au frais pendant ces vacances estivales. Classique mais bien réalisé, très amusant par fulgurances, dépaysant avec les panoramas qu’il nous présente et les personnages jusqu’au-boutistes qu’il met en scène, Wild Men a définitivement son petit charme. Mais il est aussi profondément frustrant dans ses couacs de comédies et ses thèmes seulement effleurés. Pour ceux qui se laissent tenter par l’image d’Epinal lointaine de nos ancêtres en armures, il reste un divertissement attendrissant.

2.5

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